Après chaque visionnage d’un film de Pasolini, il me reste toujours un léger gout amer et dérangeant au fond de la bouche. Cela n’est en aucun cas dû à la qualité des films mais plus aux ressentis subversifs qu’ils me font parvenir. Choquer a toujours été un désir de Pasolini et voir Salo ou les 120 jours de Sodome en est qu’une confirmation. D’après le poète cinéaste italien : «Scandaliser est un droit, être scandalisé, un plaisir».

On peut donc voir dans son œuvre un désir de créer une réflexion chez le spectateur par l’électrochoc comme le fera plus tard Michael Haneke par exemple. Je me suis donc demandé quelle était la part de réflexion dans Porcherie.
Ce film entremêle deux récit dans un montage parallèle : celui d’un jeune rebelle errant dans un désert à une période inconnu (se rapprochant tout de même de l’époque médiévale), et le récit contemporain au film d’un jeune homme, fils d’un patron d’usine allemand, mitigé entre son amour pour une jeune révolutionnaire et son étrange attirance pour les porcs.

La démarche de Porcherie est louable. Il s’agit d’une excellente base de réflexion autour de la notion d’anthropophagie, quelle soit physique comme politique. Les deux récits alternés ont en commun ce rapport prédateur que peuvent avoir les hommes, dans un premier cas lorsque la rébellion les poussent à une faim cannibale et donc à tuer et manger les figures d’autorités militaires et dogmatiques que sont les soldats dans un décor désertique et infernal. Dans le second récit la prédation est traduite par le capitalisme symbolisé dans un puissant dialogue entre un ancien responsable militaire allemand de la Seconde Guerre Mondiale et un puissant patron d’usine. La métaphore filée est permanente notamment par rapport aux génocides de la Seconde Guerre Mondiale, à l’exploitation ouvrière, à l’oppression des dogmes... En bref, la porcherie est ce monde sur lequel nous gisons, nous nous entassons et si il y a des porcs, qui sont ceux qui gèrent la porcherie ?

En revanche, il faut souligner la maladresse de nombreux dialogues entre Jean-Pierre Léaud et Anne Wiazemsky qui sonnent parfois incohérents. Le cadrage lui aussi à certains moments manifeste une certaine maladresse et peut être perçut comme trop anecdotique bien que cette froideur contribue de toute manière à la thèse de l’œuvre. Les enchainements sonores sont eux aussi parfois ratés durant les dialogues mais soyons indulgents, bien que bancale en technique, Pasolini reste un brillant poète, dramaturge et essayiste. Soulignons avant tout ce sentier tracé par le poète vers une réflexion afin de repenser nos rapports sociaux, réfléchir afin de construire un refuge, nous éloignant par conséquent de la porcherie.

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le 8 avr. 2018

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