Porco Rosso
7.7
Porco Rosso

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1992)

Lorsque, certains cartésiens comme moi regardent d'abord la cohérence d'un récit avant de se faire un avis, et sont par de ce fait très susceptibles aux moindres détails, regarder un film de Miyazaki met une claque. Et une grosse, pour ceux que j'ai déjà vus. Car ce que j'adore, chez lui, c'est son fantastique, mis en place de façon si naturelle et simple qu'il en devient normal. L'univers qui nous est imposé, les personnages qui nous sont présentés, ou encore la façon d'être, d'agir est fluide, ordinaire, les déplacements et les réactions banales et normales mais rendent au contraire le scénario pour moi, maniaque du crédible, irrationnel.
Je m'explique. Comment réagiriez vous si vous croisiez un homme cochon dans la rue ? Par de la peur, j'imagine. Mais Miyazaki brise les codes, survole les réactions, s'en fout totalement et nous présente des gens normaux, à l'apparence anormale, avec une telle simplicité que c'est déconcertant.
On retrouve par exemple un cas similaire dans Mon Voisin Totoro : le père aperçoit les Totoro avec ses filles et... sourit. Il ne prend pas peur, il ne sursaute pas, mais sourit. Sa façon de mélanger magie et réalité avec une telle aisance et une telle facilité que c'est plus qu'épatant et impressionnant (bon je manque un peu de mots).


Après avoir sorti Kiki la petite sorcière, Miyazaki revient à la charge avec son 6ème film, Porco Rosso. Cette fois ci plus occidental, il prend place dans une Italie fasciste de l'entre-deux-guerres. Sujet traité avec délicatesse, on ne nous fait pas la morale, l'idée n'est que suggérée, le cochon ne se considère plus comme humain, se déshumanise lui-même par honte aux méfaits - qui ne sont pas évoqués - de son ancienne espèce.
Confronté à l'idéologie américaine, de l'homme arrogant mais ambitieux, près à tout pour réaliser ses rêves presque impossibles, ses désirs, l'homme également dragueur, courtisant chaque femme qu'il rencontre, l'homme osé qui n'a pas peur du danger et au final, l'homme talentueux (bon pour résumer l'homme parfait américain), le cochon, dans sa vie monotone mais tout de même assez tranquille se verra bouleversé par un changement politique proposant une vision nouvelle et des personnages nouveaux.
On retrouvera aussi une troisième idéologie dans Porco Rosso, un personnage incarnant les héros de Miyazaki, une fille courageuse, têtue mais fort sympathique, toujours joyeuse.


Voulant découvrir le monde extérieur, Fio accompagnera le cochon, volant dans les airs et le supportant, l'aidant dans les moments critiques, pour finir renvoyée chez elle après une courte aventure.


L'humour a tout de même assez mal vieilli. Certaines blagues un peu désuètes font mal aux oreilles, mais s'avalent bien après avoir maché. Les antagonistes pas vraiment antagonistes font sortir l'œuvre du manichéisme, mais le scénario perd en intérêt et en consistance. Plus vraiment d'enjeux, le film est une pseudo-romance, pas de surprises, le film suit une ligne assez prévisible, sans aucun vrai moment intense et un climax superflu. Qui se résout d'ailleurs un peu trop simplement et rapidement, pas sûr d'avoir bien compris, mais ça m'avait l'air beaucoup trop facile. En plus de ça l'œuvre m'a paru légèrement trop surréaliste, les pirates qui sont pas vraiment des pirates, bon...


L'animation, c'est encore une fois du Miyazaki. Pirouettes dans les airs et cascades aériennes, 3D simple mais efficace, le tout n'est pas très fluide mais fait son travail. Avec certains décors assez beaux, et quelques fois une rupture entre certains plans fixes et d'autres en mouvement, c'est là, c'est bien, on ne se plaint pas, c'est réussi et on apprécie.
Le tout accompagné de la sublime musique de Joe Hisaishi, on s'envole en regardant le film, on se laisse emporter par le vent et on plane tel un oiseau au dessus des nuages.


Bon, Porco Rosso n'est pas le meilleur film de Miyazaki. Peut-être pas le plus magique, mais sans doute le plus mature. Il se regarde assez facilement, les dialogues sont fluides et ne mènent pas au pathos malgré une intrigue pas très présente (par rapport à ce que j'ai déjà rencontré), on reste dans la simplicité mais on aime cette simplicité.
Entre le deuil, l'amour, le changement, et bien d'autres choses encore, Porco Rosso est un film qui s'exprime facilement sans trop forcer sur une morale explicite.


Fun : 8/10

Japonirisme
7
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le 14 oct. 2020

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