Portrait de la jeune fille en feu met l’eau à la bouche !

Madeleine de Scudéry, femme de lettres française, a dit subtilement que « comme il n’est pas aisé de cacher le feu, il n’est pas facile de cacher l’amour. » Céline Sciamma qui porte un véritable amour à ces actrices Louise Blachère, Pauline Acquart et Adèle Haenel qui jouent l’un de leur premier rôle dans Naissance des pieuvres, puis Zoé Héran jouant le rôle de Laure qui devient Mikael dans Tomboy suivi d’une Bande de filles affranchies avant que Sciamma mettent à l’écran Adèle Haenel et Noémie Merlant notamment dans Portrait de la jeune fille en feu. La réalisatrice va même plus loin dans son dernier film qui a obtenu le Prix du scénario au Festival de Cannes 2019 en exposant à l’écran uniquement des femmes excepté un navigateur cantonné à son rôle de passeur.


L’histoire, qui se déroule en 1770 est celle du destin de Marianne, femme affranchie et artiste reconnue qui doit peindre le portrait du mariage d’Héloïse, une jeune Bretonne virginale qui vient de quitter le couvent et que sa mère a décidé d’offrir en mariage à un riche Milanais. Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Malgré ses réticences, Marianne va devoir la peindre en secret. Introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie, elle la regarde.


Alors que le cinéma est devenu une branche généalogique héritière de la peinture, chaque plan de Portrait de la jeune fille en feu est un tableau peint, composé de paysages somptueux au charme pictural et d’un esthétisme indescriptible. C’est pour la qualité de ce type de film que les superlatifs ont toute leur place dans le dictionnaire français. Alors que certains critiquent le manque d’émotions ressenti au visionnage de la Palme d’Or Parasite, ici c’est le trop plein d’émotions qui animent les cœurs et activent cette flamme intérieure, celle de la passion amoureuse, du désir de l’autre. Céline Sciamma aborde un thème qui lui est cher, à savoir l’homosexualité et elle le fait à travers le prisme historique du film à costume rappelant le sort des femmes aux XVIIIème siècle, c’est-à-dire pas si éloigné de notre époque actuelle. Enchaînée à ce destin programmé, Héloïse profite de l’arrivée de Marianne pour sentir les joies de la liberté aussi éphémères soient-elles. Une nouvelle fois affranchies le temps de la fiction, ces femmes illustrent la quintessence de l’amour aussi simplement qu’à travers leurs regards échangés qui trompent leur attirance inavouée. Tout feu tout flamme, ces deux actrices qui auraient mérité un prix de la meilleure interprétation chacune subliment leurs personnages oubliés dans les limbes de l’amour ou celui des Enfers là où Orphée perdit à tout jamais Eurydice. À deux reprises, Sciamma fait appel à une musique diégétique afin d’éclater l’ardeur omniprésente portée jusqu’à son apothéose émotionnelle dans une scène frissonnante au milieu du film et l’autre à la fin. Le feu brûle. Dans les ultimes regards, alors que le calice se boit jusqu’à la lie, la substantifique moelle de l’amour, du cinéma et de l’art est extraite et condensée dans ce quatrième long-métrage de tout juste 2h00. Cannes et sa ferveur m’ont laissé bouche bée en commençant par Les Misérables et m’ont donné des frissons en terminant par Portrait de la jeune fille en feu.


À retrouver sur mon blog : https://lestylodetoto.wordpress.com/

thomaspouteau
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le 27 juil. 2019

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