Proverbe Corse (j'ai remplacé "dommages" par "s'enflamment" pour plus coller avec le film)


Contrairement à beaucoup de gens qui voient le cinéma Français comme une usine à mauvais films avec, de temps en temps et par hasard un bon film sortir de nulle part, je préfère voir une grande quantité de grands films silencieux masqués par un maigre pouième de nullités assourdissantes. Après tout, les Chihuahuas ont toujours plus hurlé que les bergers allemands. Enfin bref voilà pourquoi il est important de parler du Chant du Loup, de J'accuse ou justement de Portrait de la Jeune fille en feu.


Quand j'ai visionné ce film, j'ai vraiment eu l'impression de lire un livre, que ce soit le fait que l'histoire prenne beaucoup de temps à se placer, son rythme lent mais très efficace au vu de la réalisation et de l'histoire en elle même ou même sa narration très littéraire. Tout ça donne réellement cette ambiance à la fois poétique entre nos 3 protagonistes mais très réaliste (et donc beaucoup plus dure) vis à vis du reste du monde.
On peut tout de même compter sur une une excellente réalisation pour nous rappeler dans quel média nous sommes. Notamment avec des travellings de dos comme la première apparition d'Héloïse ou les transitions qui souvent gardent un élément du précédent plan pour nous amener avec brio à réfléchir à la continuité de l'intrigue. Et c'est sans parler du jeu de la lumière qui s'opère avec le feu dans la nuit et les plans qui font très tableaux, ce qui aide beaucoup à l'ambiance évoquée précédemment. Le film est beau et il est mis en valeur d'une main de maître par sa réalisatrice.


Les personnages qui sans être réellement attachants, possèdent un coté intrigant et une véritable évolution, mise en œuvre avec une éloquence parfaitement orchestrée. On va rapidement s'intéresser à Marianne et Héloïse jouées à la perfection par Noémie Merlant et Adèle Haenel, toutes deux se retrouvent à jouer avec les apparences, l'une pour jouir d'un peu de liberté et l'autre pour la peindre puis elles commencent à se connaître avec l'art et avec les longues balades au bord de l'eau Marianne apprend et apprécie de plus en plus la jeune fille en flamme. L'amour étant dans la continuité logique de l'évolution des personnages. On pourrait même dire que Héloïse prend feu, sa vie brûle entre l'homme qu'elle doit épouser et la femme qu'elle aime. Ce qui est génial avec cette relation c'est qu'on ne va jamais mettre l'accent sur leur sexualité, elles s'aiment, c'est comme ça, après tout c'est normal. Cet amour impossible va entraîner un drame bouleversant tant le spectateur et les protagonistes sont impuissants, on est fin 1770 il faudra attendre une vingtaine d'année pour dépénaliser l'homosexualité en France et près de 200 ans pour commencer à voir une forme d'acceptation sociale.


J'adore les thèmes et la façon dont ils sont abordés, C'est aisément la plus grande réussite du film. Je pense notamment à la place de la femme dans la société et dans l'art remis en cause qui arrive à nous impacter durablement sans tomber dans les travers lourds du féminisme actuel. On pourrait encore parler de la relation sincère qu'entretiennent les deux femmes. Du sujet de l'avortement introduit par le personnage de Sophie qui arrive, même en étant mineur dans l'intrigue, à nous proposer une vraie réflexion quant à son acceptation sociétale, les techniques utilisées qui ont l'air connues de tous ou l'enlèvement de l’embryon qui n'a l'air d'être une grande partie de plaisir. Étant passionné de mythologie, c'est sans être trop étonné que j'annonce être en admiration pour le parallèle fait avec Orphée et Eurydice. Même si dans le cas précis, on est plutôt dans l'inverse, l'Ile étant plus le paradis et le reste l'enfer, Héloïse s'approchant des enfers (flammes) elle se fait tout de suite sauver par les anges. Quand Marianne se retourne avant de sortir de la maison elle se condamne aux enfers, elle ne voit plus que Héloïse dans ses souvenir (Le tableau) jusqu'à ce qu'elle tombe elle aussi en enfer, la mélodie de Vivaldi étant souvent utilisée dans l'art contemporain pour signifier la fin du statut cool par l'arrivée du drame.
Cela nous amène au dernier point, l'art. Ou plutôt les arts qui, plus qu'omniprésents, se retrouvent indissociables de l’œuvre. J'ai su parler de la peinture pour les décors, de la littérature pour l'intrigue, de la poésie pour le rythme et de la musique...quasi inexistante car la poésie se suffit à elle même en soi. Elle ne sert qu'à symboliser le début du rêve quand elle prend feu et sa fin avec les quatre saisons de l'italien Vivaldi qui va, en plus de montrer qu'elle est bien en Italie, symboliser la fin du rêve de Marianne. Et c'est poignant, la réalisatrice ne fait pas juste honneur au cinéma mais à l'art qui l'a fait grandir.



Une ode à l'art mais surtout une réussite dans les thèmes abordés et la réalisation prenante et narratrice




On brûlera toutes les deux En enfer, mon ange J'ai prévu nos adieux À
la Terre, mon ange Et je veux partir avec toi Je veux mourir dans tes
bras Que la mer nous mange le corps, ah Que le sel nous lave le cœur,
ah Je t'aimerai encore Je t'aimerai encore Ah, je t'aimerai encore Je
t'aimerai encore



Pomme, On brûlera



“Enfer chrétien, du feu. Enfer païen, du feu. Enfer mahométan, du feu.
Enfer hindou, des flammes. A en croire les religions, Dieu est né
rôtisseur.”



Victor Hugo

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le 28 mars 2020

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Lordlyonor

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