Une histoire d'amour se finit mal en général. Ici, la passion entre les deux femmes est le tableau central de ce film doux et sensuel. La flamme du désir est d'abord totalement absente, avec un début volontairement lent. Il permet de laisser advenir la suggestion de l'Eros entre les deux femmes; alors inconnues.


Les jeux de regards, les sourires en coin, le silence d'un regard prolongé sur le visage de l'Autre crée traduisent la naissance du sentiment amoureux, du désir de l'autre femme. Alors même qu'on en est une.


Cette auto-censure de son propre regard sur l'Autre est vraiment magnifique est permet de donner toute sa force à la passion interdite, à la passion lesbienne entre deux femmes en âge de se marier à l'autre Sexe.


Adèle Haenel joue à merveille le personnage de cette jeune femme naturellement rebelle et libre, qui refuse de se marier à un Homme inconnu, à un homme, à un inconnu.


Noémie Merlant joue parfaitement l'artiste qui prend le contrôle légèrement au départ, du fait de sa position de peintre et de sa mission qui vise à capturer l'Autre par l'image de son dessin. Mais, rapidement, les rôles n'existent plus; et la Passion seule demeure.


Alors, d'abord la passion est conduite dans des regards beaucoup plus appuyées, des regards où passent l'érotisme prolongé beaucoup plus sensuel qu'un simple baiser ou qu'une simple caresse.
La scène de la soirée du jeu follet avec les femmes "sorcières" de l'époque, pour reprendre le titre de Michelet, est le point culminant du film. La flamme de la passion prend vie et commence à brûler la robe corset d'une femme enfermé dans une schéma tragique de prochaine mariée.


Et le portrait est cette barque mortelle vers cette funeste destinée.


Alors, céder à la passion n'est plus qu'un exutoire face à cette mort prochaine, à laquelle elle espère echapper. Les cinq jours que les deux femmes s'accordent de passion sont comme les cinq jours avant leur propre mort à chacune.


Leur mort identique à celle d'Eurydice lorsque Orphée se retourne, sauf qu'ici, ce choix de la mort est bien partagé par les deux femmes, ou bien plutôt subi. Car c'est la société qui, en arrière plan, est lourd et pesant. L'arrière fond du patriarcat d'une société française encore sous l'Ancien Régime ou les femmes n'ont qu'un seul statut : celui de femme génitrice ou de fille.


Refuser cette passion semble donc être une fatalité historique dans le film, et non un manque d'amour d'un côté comme de l'autre. "Veux-tu que je résiste ? Réponds !" demandera-t-elle pour s'assurer qu'un combat et qu'une acceptation de cette passion peut advenir et se tenter. Mais face à la Résistance, qui mènerait certainement à la mort, l'acceptation de son destin de Mariée et -donc nécessairement- de Mère se dessine.


La fin du film est particulièrement triste par son réalisme. Héloïse devient cette mère triste qui ne vit que grâce aux souvenirs de cette passion sensuelle et fugace -page n°28-, l'image de son amante l'aidant à faire face à sa destinée.


De l'autre côté, l’artiste seule, qui semble toujours regretter, quant à elle, de n'avoir pas tenter l'aventure de la Résistance, de l'Amour Fou. Assise, seule, et voyant l'Autre, pleurant.


Ces pleurs sont le signe d'un Amour toujours vivace, mais impossible à vivre. Un amour condamné à être du désespoir de ne l'avoir pas vécu totalement.

Mansfield
9
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le 30 janv. 2020

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