Shining c’est très bien, Possession c’est pas si loin derrière. Voilà comment, de mon point de vue, je résumerais la situation en ajoutant que l'un comme l'autre ne se vivent pas forcément, tant que cela, comme des vrais films d'horreurs.
S’il est à peu près évident que le film traite moins de la possession démoniaque d’une femme que la perdition sans commune mesure d’un couple, il ressort que l’illustration de cette scission maritale à travers une horreur faisant feu de tout bois ne fonctionne pas entièrement à mes yeux. Et c’est le seul reproche que je pourrais faire. Une telle horreur, invoquant un bestiaire évolutif qui suinte le sang, ne me semble en effet pas la plus pertinente pour convoquer celle d’un mariage en chute libre.
Ajoutons que l’auteur a écrit le film au sortir d’une séparation avec enfant, l’histoire aurait donc, semble-t-il, des racines toutes personnelles. Aussi, à propos de cela, la violence du couple ne se joue pas tant l’un contre l’autre mais en appelle à de nombreux à-côtés pour souffrir le courroux du duo Adjani-Neill. Egalement l’enfant n’est pas autant mis en avant que cela dans l'histoire, pourrait-on donc voir à travers tout cela une pudicité autobiographique de l’auteur s'aménageant ainsi quelque intimité dans ces surcouches -et non débauche- de climax ? Le noeud entre la fiction et le réel reconstitué est donc particulièrement intéressant sans que l’on puisse évidemment savoir de quoi il en retourne in fine mais dont on devine la bataille à l'écriture qui se joue entre les sentiments que l’auteur souhaite prêter à ses personnages et ses propres sentiments.
Au delà de ça les interprétations sont saisissantes et possédées. Sam Neill étant le plus convaincant à mes yeux, Adjani tendant parfois à un petit surplus d’hystérie pas forcément indispensable. La présence aussi de doppelgängers pour les deux révèle sur la fin un niveau de lecture assez fascinant. Chacun représentant une « meilleure version » (idéalisée l’un par l’autre ?), pour le dire simplement, qui, sur le point d'être réunies par l'intermède d'une porte à ouvrir, formerait le couple dont ils auraient pu rêver mais qui aurait peut-être fatalement conduit leur enfant à sa "perte", s'ils avaient demeurés ensembles pour alimenter une telle supercherie conjugale, comme c’est illustré de manière assez violente avec un suicide dans une baignoire et les sifflements de bombes qui s'écrasent à l'extérieur de l'appartement dans un Berlin lui-même en proie à la scission par l'intermède du mur est/ouest.
Bref, un film sur la souffrance de ne plus être deux qui m’aura convaincu dans ses approches plus "ordinaires" (fusillades, explosions, altercations physiques, petits meurtres et mutilations) que fantastiques (ce monstre en gloubi boulga liquéfié) et qui m'ouvre la porte du cinéma de Żuławski avec pas mal d'agitation.