Ça commence par un petite course à pieds rapide. Tout en survêtement et bigoudis, Catherine Deneuve fait une promenade de santé dans un coin de forêt ensoleillé. Peau d'âne a pris de l'âge, certes, mais elle s'adresse toujours aux animaux, sourit aux écureuils. Elle ne chante plus, mais écrit des poèmes.
Dans sa maison bourgeoise, Suzanne Pujol est une personne sous-estimée par son époux et ses enfants, en particulier sa fille. Mais elle prend cette condescendance avec beaucoup de bonhomie, et on retrouve dans ce trait le jeu de Jacqueline Maillan. Deneuve arrive vraiment à retrouver Maillan dans sa diction, qu'elle arrondit, et son intonation moins altière. Cette rondeur est même accentuée par ses cheveux, qui forment une sorte de cloche à fromage sur sa tête, dans la première partie du film. Suzanne Pujol réagit avec beaucoup d'angélisme et de gentillesse à toutes les écorchures que pourrait souffrir son amour-propre, mais Deneuve lui offre un côté plus polisson et trouble. C'est Belle de Jour et la Sirène du Mississippi, tout de même. Quand Deneuve interprète, elle convoque, en plus du personnage, toutes les femmes qu'elle a été dans des films précédents. Les références à sa filmographie ne manquent pas dans Potiche : Peau d'Âne, mais aussi Les Parapluies de Cherbourg ; l'usine Pujol fabrique des parapluies. Deneuve retrouve Depardieu, avec qui elle a joué dans Je vous aime, le Dernier Métro, Fort Saganne.
Le film d'Ozon retrouve avec grâce tout ce que la fin des années 70 pouvaient avoir d'épouvantable. D'un côté, les mœurs se libéraient, le droit des femmes faisait son chemin, et malgré tout il persistait dans les mentalités bourgeoises ce conservatisme crasse qui n'en devenait que plus insupportable. Quelques pointes envoyées au libéralisme économique actuel, qui faisait ses premières armes à l'époque de Potiche, font penser que tout n'a pas vraiment changé. Les décors, accessoires et costumes sont impeccables : les recouvre-téléphone en velours, les robes en jersey à motifs de Suzanne Pujol, le brushing Farrah Fawcett de Judith Godrèche et les chandails de Jérémy Renier. Et évidemment, on fume à table, le matin, le soir, dans les lieux publics. Au risque de répéter un idée déjà présente dans d'autres de mes critiques, faire des films dont l'action se déroule en 70 est souvent l'occasion de prendre une vraie bouffée de tabac frais contre l’hygiénisme actuel.
Potiche est un petit film, pas une grande fresque, mais il se déplie en une multitude de détails qui en font un beau discours. C'est un film drôle, sarcastique. Personnellement, j'ai lâché un éclat de rire et quelques larmes en voyant Lucchini hébété devant "Aujourd'hui Madame" à la télévision. Quant à Catherine Deneuve, c'est définitivement la meilleure des actrices et comédiennes : elle ajoute Deneuve à Maillan, et sait jouer la comédie à travers les petits gestes, les petits pas et les regards timides qu'elle emprunte aux personnages qu'elle n'avait pas encore été.
