Voici l’histoire du langage universelle, là où les êtres venus d’en haut nous apprennent à être tout simplement humain.


Premier Contact (Arrival) est un film de Science Fiction de 2016. Denis Villeneuve déjà riche d’une bibliothèque des films à succès avec Sicario (2015), Enemy (2014), Prisoners (2013) dans lequel il impose une conquête esthétique et narrative qui lui est propre. Il est l’un des leaders du genre Thriller, c’est son premier film de Science-Fiction, premier “contact” avec ce genre, la SF va-t-il lui sourire?


L’histoire nous amène dans la campagne (bourgeoise?) Américaine, commençant par un mélodrame Louise Banks, linguiste (Amy Adams) perds sa fille dans une multiplication d’ellipses. C’est ensuite que nous rencontrons Colonel Weber (Forest Whitaker) le militaire et Ian Donnely (Jeremy Renner) le scientifique qui va être employé avec Louise afin de décoder un langage inconnu.
Car oui! Nous venons de se faire envahir par 12 vaisseaux spatiaux tout autour de la terre.
Ainsi Denis Villeneuve va nous dépeindre une guérilla politique entre les différentes puissances du monde et tester nos réactions face à l’inconnu, l’inquiétante étrangeté.


Avec ce film Denis Villeneuve révolutionne le genre en deux points.
Premièrement grâce à sa vision profondément humaniste qui se dégage face à une intervention extraterrestre. Le film n’est absolument pas Manichéen , nous n’assistons pas à l’Amérique salvatrice et gentille et une Chine/Russie dévot du mal mais à un équilibre qui renforce l’impartialité du propos. Même les « sauveurs » les « messies » ne sont pas tout roses, ils viennent pour se sauver eux-même avant tout. Cette « éducation » proposée (imposée?) par les extraterrestres sonne extrêmement colonialistes. A y voir de plus près le Colonel Weber nous le rappel bien lorsqu’il évoque le tragique destin des Aborigènes d’Australie.
Mais avant tout c’est l’histoire d’un personnage, auréolé d’une force inconventionnelle avec qui nous vivons, nous ressentons et c’est grâce à la formidable interprétation de Amy Adams que Denis Villeneuve a su lui faire incarner ce personnage cette humanité fragile et son destin. C’est avec des scènes de petites crises de panique, sur la respiration qui rythme l’image et l’angoisse, le malaise et enrichit la tension. S’alliant parfaitement avec la bande originale de Johann Johannsson à couper notre souffle et celui personnage au passage.
Mais Louise c’est aussi un étendard d’unité envers et contre tous, prônant le langage et la compréhension de l’autre. Là où la science n’avance plus, le côté humain tend la main (ou le tentacule) vers une unité mondiale, utopiste, forme d’Atlas hybride réunit sous le même langage.
Louise est à la fois le commun et la marginale, cet humain qui a son caractère et prend des décisions fortes dans sa vie. Qui accepterait de revoir la mort deux fois d’un être cher si ce n’est quelqu’un qui ne s’arrête pas au fatalisme, privilégie l’espoir d’un bonheur présent sans regarder en avant ni en arrière.


Et c’est dans ce second point que Denis Villeneuve nous secoue avec une trame narrative déconstruite, d’un temps pas comme les autres : « There is no Time » ! Il s’appuie sur une lenteur à l’image qui n’est pas commun au genre ( beaucoup plus dans l’action, et la rapidité comme Independance Day 2). ici il prend son temps de nous montrer, de nous faire comprendre. C’est dans cette gestion maîtrisée du temps et de l’écrit que Denis Villeneuve fait preuve de génie. Il s’amuse à nous perdre dans sa ligne du temps, déformant cet espace et créant de nouvelles possibilités, de nouvelles conceptions. On pourrait comparer cette approche à celle d’Interstellar (2014, Christopher Nolan), mais fondamentalement elle n’est pas la même. Il détruit le temps en morceaux et nous fait perdre tous nos repaires scientifiques afin de les reconstituer dans sa propre logique. Savant mélange qui fait rentrer ce film de science-fiction dans le palmarès des meilleurs d’aujourd’hui


Notons aussi le parti-pris visuelle époustouflant des aliens, les Heptapodes qui une nouvelle fois ne puise pas dans la facilité humanoïde mais pioche plutôt dans la fascinante mythologie Lovecraftienne en imageant « la pieuvre de l’espace » Chtulhienne et leurs vocales de l’indicible descriptive.
Cet Abyss (1989, James Cameron) de l’air a eu, sans aucun doute, une influence directe; l’écrivain (Ted Chiang) du livre adapté a étudié dans la terre de Lovecraft, cette tendre Providence.


Ce fut un véritable plaisir cinématographique de voir ce film qui a suscité en moi l’admiration d’un réalisateur auquel je n’ai pas forcément d’attirance. Je nuance tout de même mon propos en reprochant à Denis Villeneuve de s’appuyer peut-être un peu trop lourdement sur le sentimentalisme à la fin de son film. Ce n’est qu’un petit reproche finalement face à la puissance de son image et l’étendue de son univers.

Jimkool
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le 14 déc. 2016

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