POSE TA CAMERA, FAIS PAS LE CON ! (critique avec spoil)

Scène d'intro : gros plan sur un mec qui nous regarde. Ha non, il est mort mais dans une position où il n'en a pas l'air. Traveling arrière. La police arrive et Gilles Sagnac analyse la scène du crime.


Euh non, attendez, Gilles Sagnac est un personnage de "R.I.S, police scientifique", j'me suis gouré quelque part...
Faut dire aussi que cette intro n'avait rien à envier à un polar made in france et je n'ai vraiment pas pu m'empêcher de penser à ces séries qui font le petit lait d'une chaîne bien connue dans notre hexagone.
La faute à quoi ? à un manque de subtilité, une grossièreté dans la mise en scène et dans l'écriture (surtout des personnages). Dès les premières minutes - vite expédiées pour placer le personnage campé par Hopkins à l'écran - le ton est donné. Ca va être du lourd, du très très lourd.


Il y avait vraiment du potentiel derrière ce film, avec une idée de départ qui en valait la peine : un médium aide la police sur la trace d'un serial killer methodique, avant de se rendre compte qu'il s'agit de rien d'autre qu'un autre medium et meilleur que lui. Je bave.
Dommage : le film s'enlise dans quelque chose de grossier. Soit il ne croit pas en lui même et se sent le devoir de multiplier des scènes bidons pour nous convaincre des capacités de son personnage extralucide, soit il nous prend pour des ahuris et se sent le devoir de nous surmâcher chaque élément de son intrigue et plus particulièrement des prémonitions pour s'assurer de notre bonne compréhension. Ca donne lieu à des scènes très (trop ?) stylisées et esthétiques en surrabondance-en-veux-tu-en-voila, à des gros plans intempestifs pour diriger notre attention sur des points précis comme s'ils ne pouvaient être perçus autrement ou encore à des répliques clichés qu'on attendrait dans les pires parodies du genre.
Je citerai ici deux exemples :
le premier est cet interrogatoire d'un malheureux qui vient de perdre sa femme et qui insiste lourdement sur une lettre qu'il lui a laissée, après avoir cru qu'elle ne s'était suicidée. Notre extralucide perçoit quelque chose : il l'a quitté. "je l'ai quitté". Sur ce coups là je crois que toute l'audience aura été aussi douée de clairvoyance que le médium. Le film rajoute donc encore un peu (il faut bien convaincre !) : "vous l'avez quittée pour un homme, n'est-ce pas ? - comment le savez-vous ?!" mais ce n'est pas fini ! : "et vous avez contracté le VIH." (oui en 2015 on associe encore les homos au VIH, m'voyez)
Second exemple : conversation entre le medium et la psy/enquêtrice où il lui crache à la gueule les pires moments qu'elle a vécu pour lui montrer l'étendue de ses capacités : "vous vous être faîte déflorer à l'arrière d'une voiture de telle marque en telle année par untel, c'était pas top. Vous vous êtes quittés rapidement. Vous avez rencontrés quelqu'un d'autre, êtes tombés enceinte, avez voulu garder le bébé mais lui non donc il s'est barré et bla bla bla bla bla" gros plan sur le personnage féminin qui verse des larmes.


Ce dernier exemple montre aussi le manque de richesse dans les personnages, qui jouent le jeu pour nous convaincre des dons extralucides et qui se complaisent assez souvent dans quelques facilités d'écriture qui ne leur donnent aucune profondeur. On ne s'y attache pas, on les subit même presque parfois. On a donc régulièrement des scènes à l'image du second exemple où les répliques ne volent pas bien haut et où les personnages semblent plus clichés encore que certains effets appliqués pour nous montrer les pouvoir du personnage de Hopkins.


En parlant des personnages, je me permets cet aparté : pourquoi celui de Jeffrey Dean Morgan est mort ?! il se prend une balle mais il est à l'hosto et ça a l'air d'aller. Il révèle qu'il a un cancer - que l'autre avait deviné, bien sûr - et la scène suivante... on l'enterre ?!
Le pire c'est que ça arrive si subitement qu'il ne s'en dégage rien et les autres ^personnages n'en sembleront pas plus affectés ensuite, si ce n'est une allusion ici ou là face au tueur...


A partir de plus d'une heure passée de film, le médium rencontre sa nemesis, jouée par un Colin Farell en manque d'inspiration - s'engage la partie sans doute la plus passionnante du film mais aussi la plus riche en mauvais effets liés aux prémonitions et autres rabâchages pour faire comprendre que "bah oui, c'est ce que notre extralucide avait vu dans une de ses visions !". Le pire du pire étant ces séquences où l'un ou l'autre des médiums se livrent à l'exercice de prévoir la suite des évènements selon leurs propres gestes et décisions : des scènes qui rappelleront de mauvais souvenir à ceux qui, comme moi, n'ont pas aimé le film "NEXT" avec Nicolas Cage.


Au niveau de la mise en scène ce ne seront pas les seules choses à m'avoir fait prendre ma tête entre mes mains. Le découpage du film est frénétique et lassant mais surtout les caméraman n'ont pas su poser leur caméra.
J'ai une sainte horreur de ces caméras qui bougent toujours, plus encore quand un ahuris s'amuse avec le zoom.
Encore, quand ça a du sens : une scène de guerre ou autre. Mais là par exemple, quand ils prennent le café dans le salon ?... La musique aussi m'a semblé parfois s'accorder quelques folies : Hopkins marche dans le noir et sous la pluie, on nous met une musique presque épique. J'ai pas compris.


Je terminerai en ajoutant que j'ai appris avant de voir le film quelques anecdotes sur sa genèse que je ne saurais complètement rendre en compte ici. Cependant le fait marquant est de le savoir en travail depuis presque 20 ans et à l'origine dans l'idée d'en faire une suite de "Se7en", oeuvre culte bien comme il faut de D.Fincher. Je crois sincèrement que ça a joué sur ma façon de percevoir le film car honnêtement l'un et l'autre ont franchement le même squelette et une fin plus que semblable. On ne s'étonnera pas d'entendre Hopkins s'écriait "on fait exactement ce qu'il veut, on joue son jeu" ni son adversaire de lui annoncer : "tu vas me tuer".
J'aurais sans doute été plus clément si je n'avais pas appris cet anecdote; avec celle-ci je trouve le film d'autant plus dommageable à plus d'un titre. Comme si je venais de voir un remake raté de "Se7en" avec une sauce "RIS", un soupçon de "NEXT" et la subtilité d'un pachyderme.


Dommage car avec ce casting et cette idée de départ, il y avait vraiment du potentiel.

Jonathan_TJo
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le 23 sept. 2015

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Jonathan TJo

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