Critique : Prometheus (par Cineshow)

Lorsque le projet Prometheus fut annoncé par Ridley Scott, réalisateur d'Alien et créateur de tout un mythe, on pouvait ressentir un sentiment assez paradoxal d'excitation assez dingue mais aussi de hantise. Car si l'on pouvait se réjouir de voir un nouveau film dans cet univers stellaire angoissant, on pouvait légitimement craindre un effet Star Wars I qui, environ 35 ans après le chef d'œuvre original, aurait dénaturé les fondements qui avaient permis l'enthousiasme d'origine. Les premiers trailers arrivant, on nourrissait des attentes légitimement très importantes, le marketing ayant été particulièrement maîtrisé et les piliers du scénario gardés secret jusqu'au bout.

Mais Ridley Scott est un réalisateur malin à défaut d'être un réalisateur de génie. Même si nous lui devons quelques très grands film (Alien, Blade Runner, Gladiateur), le fait est que sa carrière en dents de scie a de quoi tempérer les superlatifs. Plutôt que de mettre en chantier un prequel direct du premier Alien, Scott privilégie la piste de l'excroissance à l'univers en prenant une piste certes située avant sur le plan chronologique mais avec une filiation moins évidente. Un choix que l'on pouvait saluer de prime abord mais qui malheureusement ne s'assume pas vraiment, ce qui en fera sa plus grande faiblesse.

Car il faut bien admettre qu'au regard de la claque que nous attendions, et que nous étions en droit d'attendre, Prometheus ne nous satisfait que partiellement. Un regard teinté de regret puisque Ridley Scott s'était lui-même positionné sur le projet pour surprendre et faire peur aux spectateurs dans un environnement ou les trois Aliens qui suivirent le siens ne répondaient selon lui pas à ses critères qualitatifs. De fait, lorsque l'on voit le réalisateur tomber dans les écueils d'une certaine facilité, on ne peut cacher notre désillusion. Empruntant peut-être inconsciemment le même schéma narratif que le film de 1979, Prometheus ne surprend pas. Même en ignorant la fin, la détection forcément rapide de la logique de construction donne les clefs aux spectateurs pour résoudre plus vite que les personnages l'intrigue et remettre en ordre les pièces du puzzle. Bien sûr, même si certaines parties restent volontairement floues, le squelette principal limite les effets de surprise. Ainsi, le film de Scott privilégie très clairement l'ambiance lourde et pesante au détriment de la peur, la vraie, celle qui nous mettait dans un sale état lorsque l'on découvrait le huitième passager. Le sentiment est donc paradoxal. La volonté est évidente de se détacher des origines, des origines connues et maîtrisées dans l'inconscient collectif mais comme un aimant, le réalisateur revient aux bases comme pour éviter de partir trop loin dans son idée de base.

Pourtant, le choix de s'écarter totalement aurait probablement été salvateur pour Prometheus qui semble avancer sur un terrain pseudo inconnu. Même si le film se revendique comme éloigné de la saga Alien, celui-ci est étroitement lié par un point majeur : l'ADN. Anodin et pourtant si important dans ce prequel qui aborde en transversal les questions de la foi, du Darwinisme et de la fuite en avant vers la recherche de la réponse à la question fondatrice « pourquoi ». Une question au cœur de l'expédition motivée par la découverte de peintures sur notre terre évoquant la création de notre monde par d'autres espèces. A la tête de ce voyage vers l'inconnu, deux scientifiques et notamment Elizabeth Shaw (Noomi Rapace) qui endosse le rôle attendu mais nécessaire de femme forte. Et il ne fallait pas moins qu'une femme au caractère et au physique marquants pour succéder (ou précéder, au choix) à Sigourney Weaver qui avait fait d'Ellen Ripley le personnage féminin peut-être le plus fort du cinéma. Bien castée, elle porte très clairement le film sur ses épaules en s'élevant sans mal au dessus des autres membre du vaisseau. Car l'autre souci de Prometheus provient très clairement de l'écriture des différents personnages que nous découvrons. A l'exception de Rapace et Fassbender en androïde qui occupe un rôle clef dans l'intrigue, tous les autres ne peuvent être qualifiés que faire valoir. Charlize Theron qui vampirise chaque scène dans laquelle elle apparait se révèle bien vite et malheureusement totalement inutile à l'intrigue.

Finalement, le film de Ridley Scott semble souffrir des défauts inhérents à une majorité de blockbusters hollywoodiens : des seconds couteaux souvent mal écrits et une intrigue générale qui n'a pas peur de multiplier les incohérences pour justifier les renouvellements dans l'intrigue. Ainsi, on aura bien du mal à croire que certains membres du groupe débarquent avec ses sondes permettant de modéliser en 3D l'intégralité de l'environnement caverneux mais arrivent à s'y perdent quand même pour créer du suspens. Dans la même veine, lorsque des gars musclés ayant accepté de traverser l'espace pour une mission si importante paniquent à peine 15 minutes après être arrivés sur la planète de destination, justifiant ainsi le fait qu'ils restent seuls face à l'inconnu, on ne peut qu'esquisser un sourire cynique. Ce ne sont que des exemples mais tout au long du film, il en existe beaucoup d'autres, trop pour que l'on fasse même implicitement l'impasse.

Là où Prometheus fonctionne le mieux, c'est lorsqu'il s'éloigne de toute référence aux quatre film d'origine. En jouant davantage sur le sentiment d'oppression que sur la peur même que l'on ne ressent que rarement, Scott nous offre quelques scènes chocs particulièrement percutantes permettant à ces instants au long-métrage de se montrer au niveau où on l'attendant. La montée en tension est progressive, réelle, mais lorsqu'arrive le moment du grand finish, on pourra nourrir quelques regrets, ce dernier étant effectivement relativement similaire au schéma du premier film malgré des événements divergents. Malgré tout, il est obligatoire de reconnaitre à Prometheus une véritable identité graphique même si celle-ci s'inscrit dans une logique évidente de l'univers de H. R. Giger. La réalisation régulièrement en plans larges magnifie le travail sur les décors permettant au film d'être réellement une claque visuelle de chaque instant. Les SFX n'ayant jamais été aussi évolués, on a régulièrement le sentiment d'assister à une démonstration technique bluffante et ce même sans la 3D. Si cette dernière ne transcende pas l'expérience, elle ne la dénature pas ce qui aujourd'hui n'est clairement pas un luxe.

Difficile pourtant de ne pas vouer une réelle passion vis-à-vis de Prometheus, ne serait-ce que par l'univers qu'il permet de retrouver. Forcément riche, on accepte sans rechigner cette nouvelle plongée dans l'espace lointain en compagnie de ce groupe d'explorateurs pas toujours motivés par la science. Même si les défauts du film de Ridley Scott sont extrêmement visibles, le plus important étant ce côté fondamentalement hybride entre deux sujets que l'on tente de raccrocher parfois maladroitement, on éprouve une sympathie évidente renforcée par un choc graphique assuré. On aurait été en droit d'attendre clairement mieux du réalisateur du film d'origine mais le scénario parfois foutraque et dévoilant plus que choses que nécessaires le limite au stade du bon divertissement et du film de science-fiction solide.
mcrucq
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le 28 mai 2012

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Mathieu  CRUCQ

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