Alien = Engineer + Sperme noir + 2 (Père + Mère)

Ridley Scott a ceci de Shaekspearien, pour ne pas dire prévisible, que très souvent l'enjeu narratif de ses films se construit autour de l'absence d'un patriarche et de la décadence du monde qui en découle. 
Prometheus transpose ces mêmes thématiques et les prolonge dans la filiation des films eux-mêmes.
Fascination pour la chair, le genre et la dissection, ici le cinéaste Shaekspearien se fait alchimiste pour notre plus grand bonheur.

Que Prometheus soit un prequel d'Alien est un enjeu important mais qui ne prend son ampleur qu'au fur et à mesure du film plutôt que dans un balisage ordonné de données manquantes ou complémentaires à la saga. Il ne faut donc point voir ici le film comme les prequels de Star Wars par exemple ou l'essentiel du plaisir porté par le récit vient de l'approfondissement et de la complexification de l'ensemble (saga 1 + prequels). Toute la force et l’intérêt même de « Prometheus » vient justement de sa totale autonomie et en parallèle de la mise en évidence d'une parentalité, d'un gène commun entre le projet des 70's et celui de 2012. Non pas donc la même œuvre prise à des moments différents de développement ou de maturation mais comme deux entités séparée, comme un homme et son père, comme deux objets similaires et différents (le prequel de The Thing, réalisé en 2011 jouait intelligemment sur ce même créneau avec moins de brio et de cohérence).
Ainsi le récit enchaîne les reproductions in vitro, copulations in vivo, engendrements en pagaille et suites biologiques tout en soulevant pour chaque génération les questions de prédateur / proie qui s'en suivent. En effet, si le fils doit tuer son père pour pouvoir se développer, le père a désormais l'ambition de fabriquer ses moyens de défense. Dans l'oeuf s'il le faut

Déjà dans le premier Alien l'extraterrestre au gros canon, image fondatrice du projet, (dessinée par Jean Giraud ou H.R Giger ?) se faisait vider à mort pour ne laisser aux sales gosses du vaisseau piloté par Mother que l’apparition de la chair dégénérée : l’Alien. 

Ici tout est écho entre Alien et Prometheus, dans les cavernes, dans les traces (fossiles ou volontaires), dans la biologie même finalement. Le vieux patriarche en mode magicien d’Oz, Mother remplacée par Mam qui à la faveur de la VO se prononce toujours avec un petit accent « Mum » (Charlize Theron, qui a demandé à son agent de lui faire jouer que des rôles de méchant en 2012 ; mais qui s’en sort plutôt bien pour une actrice qui jouait les Sharon Stone du pauvre lorsque je découvrais ma puberté)… Tout ça pour finalement ressusciter le dessin orignal de Druillet le fameux cadavre a gros nez assis devant son énorme canon, ici tout s’illumine et danse autour de lui, ça ait de l’émotion comme à la fin de Titanic lorsque les fantômes dansent dans l’épave. En mieux. Étonnant du coup qu’il n’y en ait que pour H.R. Giger dans les crédits alors que Moebius ou Druillet ne sont même pas évoqués…

De très belles surprises attendent le spectateur avec toute l'intro du film et la voyage galactique : un montage particulièrement bien travaillé, classique et profond, littéraire et racé. A cela s'ajoutent de très beaux effets visuels avec des effets de particules très impressionnants (la densité des étoiles, la tempête de sable) tout en n'étant jamais démonstratifs. L'effet spécial passe toujours derrière l'intérêt narratif (la tempête de sable) ou photographique (les nuées d'étoiles).

La densité galactique, les étendues nuageuses ou les néons du vaisseau hissent les qualités photographiques du film au plus haut avant de simplifier au maximum l’esthétique avec ses grottes grises, à l’image de l’affiche affreuse promotionnelle.
Ce choix du gris, du marron donne au film toute sa cohérence : comme les personnages, le spectateur retrouve les traces génétiques d'Alien premier du nom dans la roche suintante et l'échelle de temps géologique.

Côté montage, nous avons de beaux passages à se mettre sous la dent : L’idée de couper la scène de copulation Interaciale pour raccorder sur les scientifiques dans la grotte qui se font pénétrer ou recouvrir de sucs dégueux ne relève pas forcément du grand génie mais ça fonctionne très simplement. De même l’autochirurgie, une péripétie en soi, qui se complique lorsque la machine affirme n’être conçue que pour les mâle n’est pas une séquence qui aurait pu être conçue par n’importe quel âne. Il y a simplement dans ces quelques minutes des idées symboliques (La chair Vs le robotique / Petits penchants féministes) qui fondent le mythe Alien, il y a la maîtrise technique (découpage au cordeau, crédibilité des moyens techniques adaptés au choix de séquence) et enfin il y a le « savoir raconter une histoire » avec cette péripétie non essentielle. Voilà ni plus ni moins la recette d’un bon film Hollywoodien. 

Il y a éventuellement de petites faiblesses au moment de la tempête de sable (les mêmes que dans des séquences de Gladiator) et un faux raccord particulièrement pourri au moment où Fassenbender dans son fauteuil de pilote Ingeneer voit les hologrammes débarquer dans la cabine. Franchement ces deux relâchements ne pèsent pas lourd face à la merveilleuse intro qui prend toute son ampleur avec ces images du Replicant déambulant dans des couloirs aux lumières savamment agencées, couleurs et luminescence qui varient dans le plan tandis que le blond récite « the trick, Mister Potter, is not minded that it hurts ».

Film froid et sans suspense, oui un petit peu. S'arrêter là serait passer à côté de ce geste assez remarquable de la part de Ridley Scott, qui travaille ici comme un biologiste devant les éprouvettes qui donneront vie à sa progéniture. Reproduction, remake, engendrement, filiations... Ici ce film enfant, autonome et individuel tout en restant attaché à des origines qu’il n'a pas choisi, s'observe alors un peu comme une belle équation : 

Engineer + Sperme noir = père
Père + Mère = personnage
Personnage + Sperme noir = Hulk rose
Hulk Rose + Personnage = poulpe
Engineer + Poulpe = Alien
Donc : 
Alien = Engineer + Sperme noir + 2 (Père + Mère) 


Ainsi, Prometheus se hisse sans conteste aux côtés des films de SF ambitieux et plutôt maîtrisés que sont Sunshine, Solaris ou même 2001 (oui, on va oser). 

Les - : 
- Concernant les critiques sur le créationnisme ou le fanatisme du film, c’est vrai qu’en Europe le trip faith et petite croix ça fonctionne pas top ; ceci dit lorsque un asiatique insère dans un film des références mythologiques incompréhensibles pour l'occidental moyen on trouve ça super poétique (souvent à juste titre, c'est le principe même de Chihiro par exemple). J’ai limite l’impression que la remise en perspective culturelle se confond parfois avec la condescendance la plus crasse chez certains. 
- Personnage principal masculin (humain) pas terrible (modification de comportement trop brusque, pas grand-chose pour nous faire croire à son idylle amoureuse à partir du moment où tout le monde a quitté la Terre…). L’acteur ne réussira pas à le sauver. 
- Dernières secondes un poil trop emphatiques alors que le film ne prend pas vraiment un envol si spectaculaire. 
- En fait une fin à la « John Carpenter’s The Thing » aurait vraiment sonné juste je pense. 
- Les touches d'humour sont particulièrement ratées. Dommage, ce ton n'était absolument pas indispensable.
- Pourquoi utiliser un jeune acteur grimé pour jouer un vieillard aux portes de la mort ? Le maquillage peu crédible n'offre pas, il me semble, de distanciation intéressante, juste une gène en face d'un tour de magicien raté.
Dlra_Haou
7
Écrit par

Créée

le 22 sept. 2012

Modifiée

le 22 sept. 2012

Critique lue 688 fois

1 j'aime

2 commentaires

Martin ROMERIO

Écrit par

Critique lue 688 fois

1
2

D'autres avis sur Prometheus

Prometheus
Prodigy
4

Critique de Prometheus par Prodigy

Bon, faisons court, mais bref. Passons sur la déception de ne pas voir un "vrai" Alien mais un film aux liens très ténus. Soit. Passons sur la joie de voir un film de SF "adulte", en tout cas qui...

le 3 juin 2012

166 j'aime

11

Prometheus
drélium
6

Il promettait

ça passe parce qu'il y a de toute façon un certain standing qui permet de se dire avec satisfaction, ah, enfin un film de SF qui ressemble à un vrai film de SF, où on a vraiment l'impression d'être...

le 30 mai 2012

153 j'aime

52

Prometheus
Minou
7

Ash, can you see this?

En 1979 sort Alien, réalisé par Ridley Scott. En 2012 sort Prometheus, réalisé par Ridley Scott. Et la comparaison s'arrête plus ou moins là. Prometheus est, comme promis, un film qui "contient l'ADN...

le 30 mai 2012

139 j'aime

29

Du même critique

Cloud Atlas
Dlra_Haou
9

Transgenre Next Gen

All boundaries are conventions waiting to be transcended. Le cinéma des désormais frère et sœur Washowsky est un cinéma politique. Non pas un cinéma politique au sens militant ou revendicatif, mais...

le 7 avr. 2013

9 j'aime

4

Chernobyl
Dlra_Haou
6

What is the Cost of Lies ?

Il va falloir cesser de se pâmer devant Chernobyl. Cette série bénéficie de belles qualités : Une photo nickelle ; un cadrage plutôt pas mal dans l'ensemble Une interprétation au top par les...

le 16 juin 2019

8 j'aime

12

Fleur de tonnerre
Dlra_Haou
3

Le cinéma imprimé

“Tout cela est mal écrit, mal joué, chanté faux, mais ça se vend quand même”. Fleur de Tonnerre - P.256 Fleur de Tonnerre, c'est un peu l'occasion de dire tout ce qu'on pense de Jean Teulé. Aussi...

le 10 juin 2013

7 j'aime

1