Lost in Space : Les Charlots font l'Espace

Pour les allergiques aux pavés et aux spoilers merci de passer votre chemin et de revenir, ou pas d'ailleurs, successivement après vous être entrainés en lisant un livre ou après avoir regardé le film en question.


 

Titan bien que mal



Prometheus est typiquement le type de film auquel on peut reprocher une foultitude de défauts plus ou moins gênants. Les humains y sont inutiles et dire que l'on se fout de leur sort serait un euphémisme, certains passages dépassent allègrement les frontières du mauvais goût, le fan-service est carrément artificiel, le scénario se montre famélique et ressemble de trop près à celui du premier Alien tandis que l'on peut aisément y déceler de nombreuses incohérences. Mais des absurdités du genre visibles, comme deux crétins qui arrivent à se perdre dans un couloir alors qu'ils disposent d'un système de localisation ultra-avancé tout en étant relié à une équipe de surveillance dans le vaisseau. Le pire étant que ces personnages ne sont pas tellement censés être des handicapés mentaux, ce qui même en considérant ce cas serait limite, mais ont été engagés comme scientifiques dans l'équipage. L'un est même un géologue censé gérer la cartographie en trois dimension des lieux, l'autre est un biologiste mais nous aurons bien l'occasion de revenir sur son cas plus tard. C'est dire à quel point on se fout de notre gueule. Si certains disent que plus c'est gros, plus ça passe, à mon avis on peut toujours essayer de faire pénétrer un tank, un tracteur ou un Boeing dans un fion que ça ne rentrerait toujours pas, fût-ce celui d'un client régulier de la Fistinière. Et pour ne voir aucune incohérence dans ce film il faudrait être capable d'y faire rentrer le système solaire. On pourrait dire que c'est finalement comme dans n'importe quel film du genre sauf que Prometheus accumule, abuse et a été fait par Ridley Scott. C'est là que l'on peut se demander pourquoi ce dernier paramètre changerait quoi que ce soit et c'est là qu'il faut se dire que quand l'on a accouché d'un film comme Alien ou Blade Runner c'est que l'on est en général à peu près capable de réaliser correctement son projet et même d'avoir un œil sur la cohérence globale de son bousin. Un histoire de vision d'ensemble il parait.



Giger do not have soul



Si d'un côté la réalisation globalement de bon goût ne déçoit pas, certes sans épater, ce qui avec H.R. Giger à la direction artistique peut frustrer mais reste heureusement d'une indéniable qualité avec la domination de tons froids plutôt savamment orchestrés. Le principal problème se trouve majoritairement dans le manque d'âme général de l’œuvre et de ses décors, trop de bon goût tuant le bon goût et surtout la singularité de l’œuvre par l'introduction d'un trop-plein de mesure. L’esthétique manque donc clairement d'originalité, de folie et d'inventivité à cause de ce bridage ou de ce manque au niveau créatif. C'est bien trop consensuel, ce qui est réellement décevant n'est pas la qualité de la composition mais simplement que l'esthétisme de Prometheus pourrait se retrouver dans presque n'importe quel autre film du même type. Franchement avec quelqu'un comme Giger sur le projet ça fait quand même du mal de se dire qu'il était responsable du visuel avec un résultat certes beau mais aussi peu innovant ou intéressant. Des touches plus personnelles auraient pu rétablir l'équilibre, un minimum de singularité pour un film descendant d'un métrage de science-fiction horrifique du calibre d'Alien n'aurait pas été de trop, mais quand il y en a ça n'y va pas avec le dos de la cuillère pour rentrer frontalement dans le mauvais kitsch et l'effet est plutôt très fâcheux. C'est surtout vraiment bas de gamme avec des choses que je n'aurai pas été choqué de voir dans un mauvais téléfilm de science-fiction, un téléfilm avec certes beaucoup de pognon mais un téléfilm quand même. Quand on dispose de 130 millions de dollars ça fait quand même mal. J'ajouterais également qu'il aurait fallu rappeler à tout ce beau petit monde qu'ils ne travaillaient pas sur une suite fidèle à Alien : Resurrection. Des choses comme les Space Jockeys en albinos bodybuildés, le mec grimé en vieux, la césarienne express, l'Alien-dauphin sont pourtant des horreurs simples à éviter non ? Enfin je reste quand même sacrément magnanime à parler d'horreurs, dans le cas présent ce sont plutôt des accidents industriels.



Un voleur de feu qui se mouille



Pour persévérer sur les questions formelles, j'ai envie de pousser un petit coup de gueule sur celui des atrocités qui tiennent place de Space Jockeys. Pourquoi avoir foutu des titans cadavériques absolument atroces et ne pas avoir exploité jusqu'au bout l'idée de technologie biomécanique ? Celui présent dans Alien offrant un mystère intéressant je ne vois pas l'intérêt de dévoiler quoi que ce soit dessus sans avoir sous la main un design au pire potable, au mieux, si on a encore le droit de rêver en ce bas-monde, digne du premier Xénomorphe. De plus s'il existe une chose qui est encore plus condamnable c'est de dévoiler la bête pendant la séquence d'introduction de son film ! Déjà que la simple présence de ladite scène doit parfaitement justifier son utilité pour l'intrigue du film sans quoi celle-ci se retrouve totalement déplacée et superfétatoire. Chez moi on appelle ça meubler, sauf qu'un film n'est pas un appartement et le meubler complètement c'est ironiquement le vider de toute substance pour le rendre creux. D'un autre côté ça reste un peu comme pour l'appartement, c'est bien d'y mettre des armoires mais si c'est pour les laisser vides autant ne pas en mettre, ça laissera de la place pour mettre autre chose. Ou rien, c'est selon. N'oublions pas non plus qu'une grande partie de l’œuvre repose le sentiment que provoque la vue de la créature chez le spectateur. Elle doit par conséquent être impeccable, et c'est pourtant un point essentiel que Scott semblait avoir compris il y a bien 35 ans. Donc soit il devient sénile, soit il se fout de notre gueule. Ce culturiste livide au regard bovin dépasse mon entendement et seul un manque flagrant d'inspiration et d'imagination peut l'expliquer.



Caucase départ



Mais je n'ai pas eu envie de m'arrêter là, enfin je vais essayer, même s'il faut bien avouer que c'est très franchement plus que limite et que je comprends donc parfaitement ses détracteurs les plus virulents. Finalement le film me plaît là où il a déçu beaucoup de monde. Ce spin-off s'il répond à quelques questions que l'on pouvait se poser sur l'univers d'Aliens apporte un lot important de nouvelles questions et m'a vraiment envie d'en découvrir plus, que ce soit en réponses ou en interrogations (qui sont parfois plus intéressantes que les réponses). La découverte de "nouvelles" créatures est également une bonne chose, seule l'apparition clairement dispensable du fameux Alien-dauphin ou Diacre est déplacée, faisant partie de ce fan service envahissant qui n'amène nulle-part. Oui, j'aime les tentacules, surtout marinées mais quand même. En bref j'apprécie beaucoup l'idée d'enrichir l'univers en s'éloignant de la série des Aliens pour faire autre chose. Finalement j'aimerais oublier les suites du premier opus pour n'en garder que l'essentiel. Que cette fresque soit crédible ou réaliste n'a aucune espèce d'importance, j'ai envie de voir cet univers se développer et découvrir de nouvelles planètes, de nouvelles civilisations. Mais le scénario voit grand, parfois jusqu'à l'excès à cause de sa précipitation qui réussit paradoxalement à traîner en longueur. Cela s'explique par le fait que bien qu'un film complet ne soit pas de trop pour introduire un spin-off d'Alien dans cette direction et que celui-ci est bien trop peu subtil ou intelligent pour le faire sans s'y précipiter. Malheureusement si le scénario est raté, les personnages le sont aussi. C'est simple et je ne suis pas le premier à le dire, on a l'impression de voir une redite de ce qui a déjà été fait dans la série couplé à des rôles complètement stéréotypés.



David, ordure !



Pour commencer l'actrice principale est une sous-Ripley qui distille à peu près autant de charisme qu'un caniche paraplégique. Autant dire que le ton est donné. Son petit copain est un mauvais sosie du Caporal Hicks tant oubliable et fade que l'on a parfois carrément du mal à le reconnaitre et que l'on se demande à quoi il peut bien servir. Charlize Theron en Vickers nous impose son non-jeu permanent et un flirt affligeant avec le commandant black véhiculant un cliché tellement énorme que j'ai l'impression de l'avoir déjà vu, au bas mot, une bonne centaine de fois. J'en profite pour balancer son pote asiatique dans le même panier, comme Ridley Scott l'a fait avec les quotas ethniques. Les autres personnages sont transparents et, comme ceux précédemment cités, ne présentent aucun intérêt, à part Michael Fassbender. Sauf qu'il joue un androïde. Son rôle lui impose donc d'être monolithique mais il arrive à être sensiblement plus fascinant et convaincant que les autres. Cherchez l'erreur. Dans la mesure où tous jouent convenablement le problème ne vient pas de leur jeu, correct mais lisse, mais de l'écriture des personnages qui se révèle sensiblement mauvaise, sauf pour David, le robot aux intentions floues et énigmatiques, qui arrive tant bien que mal à relancer un peu d'intérêt pour ce qu'il se passe à l'écran. L'interaction avec l'Ingénieur est d'ailleurs très intéressante, en particulier la réaction violente qu'a engendré son réveil après sa rencontre avec les Hommes que son espèce a créé et la découverte de ceux que ces derniers ont créé, les robots. Dommage que celui-ci, censé être d'une intelligence supérieure, s'est mis à bêtement leur courir après en essayant de les tuer au lieu d'essayer de comprendre pourquoi et comment ils étaient arrivés à lui d'abord et ensuite seulement de les trucider en bonne et due forme.



Foie aveugle



Une œuvre de fiction sur l'origine de l'humanité dans la veine du documentaire involontairement comique Alien Theory est pourtant particulièrement attrayante pour un film de science-fiction doté de tels moyens. Oui je parle bien de cette émission hallucinante faisant passer les rhétoriques conspirationnistes pour un modèle de vraisemblance. Mais dans la mesure où l'on reste dans la science-fiction et que l'on évite Giorgio Tsoukalos il est possible de tirer quelque chose de ce prosélytisme mercantile de l'ignorance. Rendre l'origine et le développement de l'humanité mystique offre de nombreuses possibilités scénaristiques. Placer la genèse de l'humanité et nous teaser comme cela avec ces êtres anciens aux rites et pratiques étranges met salement l'eau à la bouche et donne envie de savoir comment tout cela s'emboîte dans l'univers d'Alien. Sauf que le scénario est au cinéma ce que l'emmental est au fromage et qu'en plus tout y est affreusement capillotracté. La science-fiction n'est pas une excuse pour faire n'importe quoi avec son script. Comme par exemple la justification foireuse des raisons de l'expédition censée découvrir les origines de l'humanité. Un « j'ai choisi de le croire » sans complexe avec pour seul indice la découverte d'un schéma récurrent dans plusieurs civilisations terrestres où l'on peut voir un géant pointer une planète dans ce qui ressemble à un système stellaire connu ressemble de ce fait plus à une immense blague qu'à une trame sérieuse. Après des choses comme le fait de voir un prétendu biologiste s'approcher d'une créature inconnue à la fois hostile et douteuse en faisant « petit, petit » comme s'il s'agissait du chaton de sa sœur, le fait que tout le monde retire son casque sur une planète inconnue parce-qu'un couillon pense qu'il y a l'air conditionné ou l'apparition incongrue de l'espèce de zombie hystérique s'inscrivent largement dans un registre pathétique de cratère scénaristique. Néanmoins pour le biologiste, sachant que c'est l'un des cons qui s'est perdu dans le couloir, ça en deviendrait presque logique. Enfin ça pourrait l'être si ce film s’appelait « Les Charlots font l'espace ». Il faut quand même dire ce qui est : cette équipe est une foutue bande de guignols interstellaires.



Cameron dièse



Fort heureusement que Ridley Scott sait diriger ses caméras et faire soigner ses décors. Le film, s'il est parfois un peu froid n'en reste pas moins visuellement attrayant avec nombre de plans plutôt plaisants. Le montage c'est une autre histoire et on peut dire qu'il est loin de servir un scénario déjà plus que limite. Si à court terme c'est propre et maîtrisé avec de bons enchaînements de plans au niveau des scènes, donc plus globalement, c'est clairement médiocre. Les carences logiques de nombre d'enchaînements sont tellement visibles que ça en devient parfois assez lamentable. Après plusieurs décennies de métier on est censé savoir que, par exemple, on ne développe pas une sous intrigue secondaire sur deux personnage inutiles avec pour seule vocation de former un duo comique foireux dont on se fout totalement, nous la faire oublier pendant une demi-heure, les remontrer une fois ou deux avant de nous ressortir tout ça à un moment incongru pour simplement nous montrer qu'ils meurent de manière débile. C'est tout simplement inutile. Donc de trop. Surtout quand dans le scénario personne ne s'inquiète d'où ils peuvent bien être pendant tout ce temps, que ces gars se perdent dans un couloir et que personne ne pense à aller les chercher pour repartir à la base avant que la tempête n'arrive. C'est ridicule et le film est plombé par plusieurs tares de ce type. Alors soit Scott a essayé de condenser son film tout en y mettant nombre d'éléments initialement prévus et en planifiant de sortir dans un but purement mercantile une version longue plus tard pour nous faire repasser à la caisse et pouvoir concurrencer Cameron, au moins sur le foutage de gueule de son public, soit il ne sait tout simplement plus plus coordonner monteurs et scénaristes, on en revient donc à la question de savoir s'il devient sénile, se fout de notre gueule ou est juste devenu fainéant avec le temps et l'argent.



Scott de maille



Sinon Scott, si tu voulais vraiment niquer Avatar il aurait fallu montrer la planète d'origine des Aliens. Un truc sans bidules bleu et multicolores de pédale et avec genre des extraterrestres qui ne ressemblent pas à une improbable fusion entre un dentifrice au fluor et une bande de hippies. Tu aurais pu envoyer l'Alien T-Rex aussi. Et foutre des références à la civilisation des Predators. Parce que si seul le premier opus avec Schwarzy est potable, en faisant l’addition de toutes les œuvres on obtient quelques idées pas trop mauvaises pour créer un Univers qui ressemble un tant soit peu à quelque chose. Et sinon, juste comme ça, ce serait intéressant de voir un peu les relations possibles entre les Space Jockeys et les Yautja. Les voire se cogner sévèrement ne pourrait faire de mal à personne. Et puis quand même, pour les Ingénieurs tu aurais pu essayer de faire des créatures dotées d'un minimum classe, simplement en commençant par éviter de nous faire des tas de sperme autistes et chargés aux stéroïdes complètement ridicules. Sérieusement, on tombe carrément dans le nanar avec ça. Éviter d’accompagner le démarrage du vaisseau avec un vieux son de flûte tout pété aurait également été utile, autant le reste de la bande originale ne réserve aucune surprise, mais cette flûte, pourquoi ? Mais ce ne sont que de simples suggestions, bien entendu.


  
Enfin, pour faire ce genre de film il faudrait des moyens colossaux et une énorme paire de couilles. Et accessoirement que ça ne soit ni pornographique, ni fait avec les pieds. Mais ça relève du domaine du fantasme. Enfin pour les couilles, pas pour le pognon. Tout le monde sait que c'est son manque qui incite à faire travailler son imagination pour faire autre chose qu'exploser son budget en effets numériques. Bon, j'ai quand même un peu déconné en me mettant l'eau à la bouche avec mes conneries, surtout avec le Tyralien d'ailleurs. Mais il faut quand même avouer que ça aurait de la gueule.

Brad-Pitre

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