Quand j'ai vu ce film dans ma pile de films, je me suis dit que je ne reverrai pas celui-là comme j'en ai plein d'autres à voir et que je sais que je l'aime bien. Mais au fur et à mesure que je lançais les autre films, une question me revenait avec toujours plus d'intensité : et si je ne l'aimais plus ce film ? Quand on adore un film, qu'on en garde un magnifique souvenir, on a parfois un peu peur de le revoir, car cela pourrait ternir ce souvenir. Surtout qu'avec le temps, souvent, on finit par idéaliser les jours heureux passés. Mais j'étais curieux. Ce n'est pas la première fois que je revois un film et que je change d'avis. Mais il est rare que cela arrive à un film auquel j'ai mis 10/10 et que j'ai vu il n'y a pas si longtemps (2014, c'était avant-avant-hier, non?). Et finalement je me suis décidé : le parcours d'un cinéphile, c'est une évolution, et quoi de mieux pour marquer l'évolution que de revoir d'anciens films. Au fond, je suis content d'avoir changé d'avis, ça veut dire que je ne me raccroche pas désespérément à mes principes. Y a rien de plus triste qu'un individu qui vous affirme sans sourciller qu'un film qu'il a vu 10 ans auparavant est bon ou mauvais pour telle ou telle raison. Comment en 10 ans peut-on garder en tête tout le cheminement intellectuel qui a poussé à l'appréciation d'une oeuvre ? Ce que l'on garde, c'est un raccourci, un raccourci parfois un peu tordu par les années qui ont passé. En fait, je pense qu'une critique, en tant que reflet d'une impression, est périssable après une année. Même plus vite. Mais on va être gentil et parler en année, sinon on ne s'en sortira plus. Donc logiquement, je devrais effacer toutes mes critiques. Mais c'est justement intéressant de les garder pour comparer les avis entre le moi d'avant et le moi d'aujourd'hui. Et puis il y a un côté journal en ce qui me concerne puisque j'écris presque tous les jours. Toute cette théorie n'engage que moi, évidemment, je n'y ai pas cherché de soutien théorique, ça ne vaut donc pas grand chose... mais j'y crois fermement... pour l'instant du moins.
L'intrigue est fort sympathique. Il manque une structure solide : en effet, on suit tellement de personnages qu'il est difficile de pouvoir structurer ce récit de manière classique : la présentation des personnages est longue (et pourtant pas si complète, les auteurs insistants plus sur l'aspect social qu'une vraie caractérisation), le casse est très bref, la fuite est longue. L'objectif principal est annoncé en début mais se compose en plusieurs épisodes (d'abord trouver l'équipe, puis faire le casse, et enfin se mettre à l'ombre). C'est bien mais le tout paraît un peu décousu. Mais on a de bonnes scènes. Avec des personnages mieux caractérisés et davantage exploités, ç'aurait pu être mieux. Qui se souviendra, par exemple, du serrurier ? Les personnages les plus marquants sont la brute épaisse, le cerveau qui aime voir les jeunes femmes danser et qui s'entendrait certainement bien avec Hannibal de l'A-Team, et le banquier prêt à tromper tout le monde mais incapable de se faire pousser des couilles. Les autres sont moins satisfaisants ; c'est déjà ça, me direz-vous, malheureusement les auteurs ont tellement de choses à dire et à montrer que ces personnages se révèlent sous-exploités.
La mise en scène est agréable. J'apprécie tout particulièrement le travail sur la lumière. La composition est moins remarquable mais reste de bonne facture. Le découpage est simple, sobre. Froid. Médical pour reprendre un terme utilisé par un critique dans le (très pauvre) documentaire associé au DVD. Huston n'en fait pas des tonne,s il fait ça simplement mais ça marche du tonnerre. La musique n'est pas envahissante non plus, ce qui est bien et surprenant. Cela donne une ambiance plus glauque car les sirène n'en ont que plus d'écho ! Tout comme les coups de feu. Les acteurs font tous du très bon boulot. Si certains personnages sont, n'ayons pas peur des mots, fades, cela ne se ressent pas grâce aux prestations colorées des acteurs. Huston aurait dit qu'il ne caste pas des acteurs mais des personnalités, pour dire à quel point cette étape est importante, qu'il est nécessaire de trouver des gens au plus proche des personnages, et il a bien raison. Car si le serrurier n'a pas grand chose à offrir, Huston avait une idée bien en tête de ce à quoi il ressemblerait, du coup on a du mal à imaginer une autre tête que celle de l'élu.
Bref, ce film reste fort plaisant, audacieux sur de nombreux points, mais aussi décousu, ce qui peut provoquer quelques chutes de rythme ; l'aspect social est un peu trop présent mais cela ne tire heureusement pas l'intrigue dans le misérabilisme. Une belle oeuvre à découvrir et redécouvrir. Je me demande quel sera mon avis lorsque je le reverrai ?
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Ancienne critique : 10/10 "la faiblesse des hommes"
Un bon petit film noir. J'aime bien Huston. C'est le genre d'auteur qui veille à donner un sens à ses personnages. "The Asphalt Jungle" est un film noir d'ailleurs très atypique car Huston cherche toujours à aller au-delà du cliché, ou plutôt à l'utiliser mais en l'expliquant, en l'approfondissant.
Le scénario est donc assez pointu. Peut-être un peu long sur la fin. Mais la force, je le répète, c'est cette utilisation des personnages, cet approfondissement afin que les failles de chacun participent à la dureté de la chute. Les dialogues ont ceici d'intéressants qu'ils paraissent très naturels au contraire de beaucoup de films noirs où un Bogart ne parle que en métaphore. Ça rend les répliques moins lourdes, moins pesantes. Enfin, la situation est assez finement traîtée, de sorte que le braquage n'a lieu qu'à la moitié du film ; en effet, les conflits, les obstacles débutent dès le recrutement, les choses se mettent tout doucement en place.
La mise en scène est très fort aussi. Des points de vue très recherchés, une bonne utilisation du noir et blanc et de très bons acteurs pour servir cette histoire. Le rythme est présent, on ne se sent jamais abandonné malgré l'attachement flagrant aux personnages.
Bref, "The Asphalt Jungle" est un très bon polar, et en plus un film sur l'humanité. J'aime beaucoup "L'or se barre", mais j'ai une préférence pour les plans qui foirent quand même.