Michael R. Roskam est passé près d'un oscar qui aurait définitivement propulsé sa carrière. Malgré tout, cette courte notoriété que lui a procuré cette nomination a permis au cinéaste belge de poser ses valises aux États-Unis. Il y réalise le scénario d'un autre, histoire de gagner la légitimité que l'oscar ne lui a pas donné.
Les bas-fond de Brooklyn, les petits truands, les mafias étrangères et un nom : James Gandolfini, qui fait ici sa dernière apparition à l'écran. Sa présence éclipserait presque la tentative américaine de Roskam tant la nostalgie est grande de le voir là pour la dernière fois. On retrouve dans le personnage de Marv la figure emblématique de Tony Soprano. Magouilleur, assassin tout autant que pantouflard et en proie aux doutes. L'immense acteur tire sa révérence sans jamais avoir pu réellement se détacher du parrain du New Jersey qui a fait sa notoriété.
La légendaire corpulence de Gandolfini contraste avec les amaigrissements très remarqués de Matthias Schoenaerts et de Tom Hardy. Les deux masses qu'étaient ces acteurs perdent en muscles ce qu'ils gagnent en complexité. Difficile de cerner leurs personnages, ce qui les rend d'autant plus terrifiants. Il ne suffit pas d'être imposant physiquement pour inquiéter. Tout comme la maigreur du baron de la drogue tchétchène qui effraie la figure patibulaire de Marv. Autrefois intimidant, le rôle de Gandolfini est celui du badaud un peu peureux. C'est à l'image de son jeu, l'acteur ne prend plus guère de risques depuis Tony Soprano, James Gandolfini ne semblait plus qu'exister qu'à travers le souvenir de son rôle emblématique.
Si Gandolfini prend autant de place dans cette critique, c'est que paradoxalement il n'éclipse pas assez ce casting international (Américain, Belge, Britannique, Islandais) de grande qualité. La mine renfrognées des acteurs, la froideur de leurs regards, ajoutés à la photo très réussie d'un Brooklyn mal famé, rendent l'atmosphère de ce thriller anxiogène au possible. Michael R. Roskam met en scène avec talent un scénario intéressant. Avec le coup de force de Bullhead, on est en droit d'attendre des merveilles de ce réalisateur qui pourra légitimement retenter sa chance aux oscars.