Creusant sa thématique préférée, l'incommunicabilité des êtres, Stéphane Brizé dans "Quelques heures de printemps", y ajoute une note sociétale en traitant du suicide médicalement assisté. Toute la communication du film a tourné autour de ce sujet sensible qui n'est en fait qu'une partie étrangement désincarnée, mais qui accompagne seulement le propos principal, celui des relations conflictuelles entre un mère et son fils.
La mère, veuve, enfermée dans une routine ménagère, est atteinte d'un cancer du cerveau. Elle cohabite avec son fils Alain qui vient de purger dix-huit mois de prison pour trafic de drogue. A la recherche d'un emploi, Alain se retrouve face à une femme mûrée dans un silence de toujours mais résolue. elle a décidé de recourir, via une association suisse à une fin médicalement assistée pour éviter les souffrances et la déchéance.
Malgré un titre à l'allure poétique, "Quelques heures de printemps", n'en joue pas du tout la carte. Stéphane Brizé est un réalisateur dont l'obstination à décrire les milieux simples est un bienfait dans le cinéma français plutôt enclin à se réfugier dans les canapés moelleux et profonds de la bourgeoisie. La reconstitution de cette vie simple est admirable de justesse et de finesse. Mais son talent ne réside pas seulement dans cette plongée dans l'ordinaire des petites gens. Remarquablement dirigés, les comédiens, soigneusement choisis, se voient offrir ici l'occasion d'une prestation haut de gamme. Hélène Vincent, la mère, est tellement juste que dès son apparition, elle parvient à faire oublier cette Mme Le Quesnoy qui lui colle aux baskets. J'ai regardé vivre cette Mme Evrard, petite fourmi à la vie simple, laborieuse et sans grand espoir, dont chaque geste, chaque froncement de sourcil, m'a rappelé beaucoup de femmes croisées dans ma vie ou dans la rue. La comédienne livre ici une interprétation qui restera dans les souvenirs et dans les coeurs.
En face d'elle, Vincent Lindon, en fils taiseux, massif mais faible, qui traîne son passé de prisonnier dans une société qui n'a rien à lui proposer, est, comme d'habitude, excellent. Ses silences mais aussi ses coups de colère, ses regards en disent long sur l'enfermement dans lequel se débat son personnage.
Les seconds rôles sont eux aussi au diapason. Silvia Kahn, avec pudeur et justesse, incarne un médecin qu'on aimerait pouvoir rencontrer dans une telle situation. Mais mon coup de coeur va à Olivier Perrier, absolument magnifique en voisin amoureux transit de Mme Evrard et qui nous offre avec Hélène Vincent une des scènes les plus bouleversantes du film, où avec quelques paroles banales, ils arrivent à exprimer ce qu'une vie de résignation et de retenue n'a pas pu dire (à ce moment là, on voyait briller les larmes sur les joues de toute la rangée).
Bourré de qualités, de scènes d'une incroyable acuité qui sidèrent le spectateur par leur justesse et leur force, "Quelques heures de printemps" ne m'a, hélas pas, complètement convaincu. La faute, peut être, à l'histoire d'amour d'Alain, avec une jeune femme, pourtant très joliment interprétée par Emmanuelle Seigner, mais un peu artificielle voire pas tout à fait crédible. Et puis, la mise en scène avec ses longs plans séquences quelquefois fixes, même si elle permet souvent d'installer une émotion palpable, devient à la longue un peu trop systématique et relève, me semble-t-il, d'un procédé juste un peu trop voyant. Ce qui pour moi avait fonctionné formidablement dans "Mademoiselle Chambon" le précédent film de Stéphane Brizé, m'a ici un peu moins convaincu.
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le 23 sept. 2012

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