C'était certainement couru d'avance pour certains d'entre vous. Mais à la fin d'une séance de Radin !, on se dit que l'on va être aussi avare en compliments que le film se révèle avare en comédie ou tout simplement en rires.


Car Radin !, finalement, porte très bien son nom, tout au long de son heure et demi d'un néant relatif et mou dans le genre sur lequel il est vendu. Oh ! Un ou deux passages arrivent à arracher un sourire de manière extrêmement poussive. Mais le spectateur poussera plus souvent un soupir de dépit, tellement les passages les moins ratés, un tout petit peu plus vachards que la moyenne, sont systématiquement désamorcés pour ne pas dévier du gentil consensus que les producteurs se sont jurés sans doute de ne jamais transgresser. Dany Boon aurait pu être un personnage odieux, un peu comme la Tatie Danielle de Chatiliez. On aurait pu rire de lui et de ses travers. Mais non, Radin ! se sent obligé, comme 90% de la production comique actuelle, de faire emprunter à son personnage principal le chemin de la rédemption et de l'humaniser, voir de lui trouver des excuses. Même si cette rédemption bien moralisatrice est bâtie sur des mensonges. Pas grave après tout, le public avalera quand même la gougoutte. Comme si le rire féroce et méchant était devenu une tare, voire une honte de nos jours.


Radin ! sombre dès lors très vite dans le déjà vu, le tiédasse et l'invraisemblance la plus totale. Difficile d'avaler par exemple le fait que chaque manifestation de la radinerie de sa grosse pince ait une répercussion positive sur sa situation. Encore plus difficile à avaler ? Le coup de la fille en extase devant le père qui a largué sa mère, ou encore le love interest qui s'attache à un type tellement terne, veule et asocial, même s'il fournit prétexte aux apparitions de la ravissante Laurence Arné, rare rayon de soleil d'un film qui en manque terriblement. Il se paiera même le culot ultime de faire référence à la scène de la hache de Shining, dans une séquence d'abord exaltante qui retombera ensuite bien méchamment, les excès de Dany Boon étant mis, comme de bien entendu, sur le compte d'un rêve que l'on a vu venir de très loin. Absence de courage, d'audace, de prise de risques : Radin ! sera d'un pantouflard à pleurer, jusqu'au dénouement.


Quant à la fondation du film, la fibre radine de son personnage principal, elle ne sera exploitée que de manière timorée et déjà vu, faisant passer les astuces honteuses et les lamentables conseils des Harpagons et des pinces de tout poil du site Radins.com pour des sommets de drôlerie. Un comble.


En plus, le film est tellement peu sûr de son effet comique que le dernier quart d'heure s'engage dans un virage dramatico-lacrymal sorti de nulle part et crétin en forme de publicité Service Public pour le Téléthon. Youpi... De quoi signer l'enterrement première classe des qualités de cinéaste du pauvre Fred Cavayé, dont on se demande ce qu'il est venu faire dans cette galère ou s'il est encore en capacité de faire financer un quelconque projet de film de genre dont il a le secret.


Regarder Radin ! ne manquera pas non plus de remettre en perspective certaines autres oeuvres qui l'on devancés, ainsi que les mobiles qui ont procédé à sa production. S'il ne relève pas du cynisme honteux d'un Tuche 2, il pousse cependant à réévaluer à la hausse des produits imparfaits tels que, justement, Un Plan Parfait ou encore Eyjafjallajökull, parfois bêtes, parfois méchants, mais qui ne passaient pas à ce point à côté de leur sujet et assuraient un service à peu près minimum, ce dont le présent film ne pourra jamais se vanter.


Finalement, la production de Radin !, visiblement, n'a fait qu'envisager son film que comme un vulgaire produit d'appel, un bouche-trou dans le calendrier automne / hiver de la comédie française. Histoire sans doute de remplir sans conviction les salles ou de tailler des croupières aux méchants films ricains-pas-bien. Ou encore à des oeuvres tout simplement bien meilleures mais ne bénéficiant pas de la même couverture médiatique. Mais surtout, Radin ! semble préparer le terrain au matraquage et au bourrage de crâne de ce que l'on nous fera passer pour les prochains fleurons du genre dont le cinéma français ne manquera pas de nous inonder. Triste période en perspective pour le rire cocorico...


Behind_the_Mask, qui crie "Remboursez" à la caisse de son cinéma.

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le 7 oct. 2016

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