En adaptant LE ROI LEAR de Shakespeare, l'immense Akira Kurosawa en fin de carrière, nous dépeint un monde en désolation. Dans le Japon du XVIème siècle, le chef de clan (un daimyo) Hidetora Ichimonji donne le pouvoir à son fils aîné Taro avec le soutien de ses deux autres fils, Jiro et Saburo. Mais rien ne va se passer comme prévu : trahisons, manipulations, folies. Tout le petit monde du vieux Hidetora va s'engouffrer dans un torrent de violence physique et psychologique.
Kurosawa met en place une narration presque parfaite avec ce début doux, calme et serein pour ensuite grimper dans des sommets épiques et destructeurs. La destruction physique se fera lors d'une grande scène centrale de chaos militaire faisant sombrer le vieux Hidetora dans la folie. La destruction psychologique se fera petit à petit lors des errements du daimyo dans les ruines de sa propre vie et des trahisons successives des fils aboutissant à une jeu de manipulations. C'est dans ce marasme que les thématiques de Kurosawa prendront racines et se développeront afin d'établir un constat amer de la condition humaine. Ces petits humains se débattent avec leurs vices sous l'œil d'une nature complètement violée par l'incapacité humaine à se gérer lui-même. Et même si RAN aurait mérité un peu plus de rythme et une durée légèrement plus courte, il reste pertinent et sans fard. Kurosawa tape incontestablement dans le mille.
Pour entériner ses thématiques, le réalisateur nippon va faire de RAN un véritable tableau de maître tant la composition des images se révèle fascinante. Le gigantisme des décors rappel la petitesse humaine, démultipliant ainsi son orgueil. Ces hautes montagnes et collines surplombant le désastre de la déchéance des Ichimonji saisissent par leur beauté et leurs symboles. Les costumes, les décors, les figurants, tout cela nous transporte dans cette époque et dans ce monde pas si lointain du nôtre. Car s'il dépeint une famille en pleine implosion, les mobiles jumelé à la perversion de l'esprit que sont la soif de pouvoir, la vengeance et la haine sont autant de défauts encore bien visibles à notre époque.
Malgré le pardon et la recherche de paix de certains, l'imperfection n'épargne rien ni personne. Les dernières images nous rappellent d'ailleurs que l'humain, aveuglé par ses propres désirs, se trouve au bord du gouffre.