C'est l'histoire d'un vieil homme et de son héritage

Après deux visionnages du film - oui, parce qu'il en faut au moins deux pour passer outre les multiples clins d’œils du film pour se focaliser sur ses enjeux et sa mise en scène - il y a bien une chose qui est frappante quand on prend du recul sur ce projet : c'est la réaction de ses spectateurs.


Car le film divise, certes. Mais que les gens l'aient apprécié ou non, chacun le résume comme un bon, ou mauvais, porngeek dont le récit plus que moyen n'est là que pour pouvoir mettre en image une pléthore de références geeks et totalement gratuites.


Gratuites ?


C'est là que je me demande si la majorité des spectateurs ont vu les films de monsieur Spielberg auparavant. Car, et cela sera peut-être un scoop, Ready Player One parle avant tout de Cinéma et d'héritage populaire.


Résumons :


RPO c'est l'histoire d'un grand héros mythique répondant au nom de Percev... d'un jeune héros moderne répondant au nom de Parzival. Le jeune garçon à la veste ornée d'une épée et à la ceinture de Han Solo apprendra à rejoindre une bande de chevaliers, allant de la déesse grecque au samouraï, afin de contrer la menace d'un lobbyiste répondant au doux nom de Nolan Sorrento (Nolan. No LAN, vous l'avez ?). Cet homme sans connexion ni affecte envers le "monde geek" tente en effet de retrouver le fameux easter egg placé dans un monde virtuel par son défunt créateur, James Donovan Halliday, alias Anorak. Un monde virtuel nommé l'OASIS, où se jouent de grands enjeux économiques et sociétaux actuels.
Pour ce faire, trois épreuves dans lesquels Spielberg (un réalisateur totalement inconnu et sans aucune vision) va parler de Cinéma et, plus encore, de SON cinéma.


Beaucoup reprochent donc au film d'enchaîner les références gratuites sans quelles aient une quelconque utilité au sein du récit. Ce serait oublier à quel point Spielberg est un réalisateur VISUEL. Cet auteur ne parle pas avec des mots, il parle avec des images, du mouvement.
La doleran ne remontent pas dans le passé ? Certes. Pourtant, pour gagner la course, Perzival l'utilisera pour... revenir en arrière. LITTÉRALEMENT. Il fouillera le passé de ce vieil inventeur pour trouver la solution de l'énigme et reculera pour mieux avancer. Si les fanas habitués au cinéma doudou attendaient de revivre les sensation procurées par Retour vers le Futur, c'est loupé. Steven Spielberg ne refait pas Retour vers le Futur, il utilise cette référence afin de faire avancer l'intrigue et de parler du cinéma de ses amis, Zemeckis en tête. Loin de figer l'action et de donner des coups de coudes à son spectateur (Disney, si tu m'entends...), chaque référence populaire prend sens au fil du récit. Car celui qui use du fan-service dans le récit, ce n'est pas Halliday et son monde. C'est Nolan Sorrento, lorsqu'il essaiera de convaincre Perzival de "rejoindre le côté obscur". Un Nolan Sorrento qui prendra le costume d'une copie industrielle de Godzilla...
La dernière épreuve de la course est infranchissable ? Évidemment, nous dira Perzival/Steven : "On ne passe pas au-dessus de King Kong !" Nous avons parlé de King Kong ? Il serait honteux de ne pas évoquer sa descendance cinématographique ; allant des films de Kaïjus au Géant de Fer !


La liste est longue, immense, même, de ces références sélectionnées avec soin et placées dans le récit afin de donner un SENS à ses actions, à ses enjeux. Le Géant de Fer de Brad Bird, Shinning de Stanley Kubrick, Sacré Graal des Monty Python, Terminator 2 de James Cameron ou Gundam Wing de Masashi Ikeda sont autant d'éléments du récit présents pour parler de Spielberg lui-même. Ses goûts, mais aussi son histoire, saluant un à un ses amis les plus proches, même ceux déjà partis.


Des auteurs partis ? Parlons-en ! Car ce qui semble certainement le plus évident est que James Halliday représente sans doutes aucun un avatar de Steven Spielberg lui-même. Un Spielberg qui s'interroge : que deviendra mon héritage ? Le plus intéressant étant d'observer les spectateurs se focaliser sur les skins de chacun quant Spielberg hurle devant l'écran son sujet : LE CRÉATEUR !!! Car si les deux premières épreuves parlent, d'abord du cinéma populaire, puis de son défunt ami Kubrick, la troisième épreuve sonne comme une évidence : Pourquoi ne pas gagner Adventure ? Pour trouver son easter egg, un petit carré de pixel qui, si on le ramène au début du jeu, révèle le nom de son créateur. Voilà le but de Ready Player One.


C'est qu'il commence à se faire vieux, l'ami Steven, et au même titre qu'Halliday, ce geek de grand cœur est bien en droit de se demander ce que ses créations et sa personne elle-même, grand icône du septième art et de la culture pop, deviendra pour les générations futures.


"_ Monsieur Halliday, vous n'êtes pas un avatar ?
_ Non.
_ Mais vous êtes mort ?
_ Oui.
_ Alors qu'est-ce que vous êtes ?
_ Au revoir, Parzival".


Un souvenir, un icône, un symbole. Voilà ce qu'est devenu James Halliday au sein de ce monde futuriste, dystopique et virtuel. Et c'est ce que deviendra Steven Spielberg après sa mort, sans doutes aucun (après tout, ne l'est-il pas déjà devenu ?).


Plus encore, Steven Spielberg semble faire cas de son camarade James Cameron et use des nouvelles technologies du cinéma comme d'un outil au service de son propos. Ainsi, la motion capture et la 3D ne seront pas tant des facilités technologiques que des outils accompagnant le spectateur dans son immersion. Comment ne pas penser au spectateur de cinéma assis avec ses lunettes 3D pour entrer dans le film lorsque l'on voit les personnages du récit entrer dans l'OASIS avec leur lunettes de réalité virtuelle ?


Oui, Ready Player One est un film où se chevauchent dans une grande orgie visuelle une suite de références cinématographiques, musicales et vidéoludiques foisonnantes. A l'instar d'un Qui veut la peau de Roger Rabbit (produit par Spielberg, tiens, tiens...).
Non, aucune de ces références ne sont gratuites. Car passé la foule de personnages tapissant le fond de ce monde haut en couleur (et peut-on le reprocher au film, au vu de sa diégèse ?!), chaque référence évoquée et filmée ne le sera que pour être utilisée au sein des enjeux de son récit.


Spielberg, comme depuis ses débuts, sait ce qu'il filme, comment il le film et, surtout, pourquoi ! Rendant toujours une lisibilité éclatante au sein de son image, sachant comment filmer l'action, même la plus grandiose, afin que le spectateur la suive de façon lisible du début à la fin, nous démontre encore une fois qu'il sait faire du Cinéma.


Seul point noir, peut-être une morale maladroite en fin de récit. Pourtant, Spielberg n'oublie pas de nous rappeler par cette voie que ce monde merveilleux aux multiples références reste et restera à jamais un monde fictif. Un monde fictif qui peut s'avérer tantôt dangereux entre de mauvaises mains, tantôt inspirante. Mais ce sera avant tout ce qu'on en fera, qui constituera le cœur de ce qu'on appelle désormais "la culture geek".


En bref... merci Steven ?

Créée

le 6 avr. 2018

Critique lue 301 fois

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Quentin Blot

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