Il y a chez Quentin Dupieux un certain aplomb dans le surprenant qui peut aisément désarçonner, voir même provoquer un rejet quasi immédiat de son cinéma pour celui qui n’accrocherait pas à l'air faussement dilettante qu’il associe à une narration volontairement alambiquée. Et pourtant, qu’on soit un fervent défenseur du bonhomme ou son plus ardent réfractaire, impossible de l'ignorer tant il est devenu la figure de proue d’un cinéma français qui s’assume provocateur, non pas par des choix de sujets scabreux, mais par une approche de son métier qui frise l’insolence.


Photographie léchée, sujets illusoires simplement prétextes à une réappropriation d’influences diverses qui sonnent comme un coup d’œil singulier sur la construction d’un film, chacune de ses réalisations embarque le spectateur dans les méandres d’un cinéma qui se contemple avec minutie. Réalité va même encore plus loin, jouant de la mise en abîme jusqu’à ce que les esprits s’échauffent, pareils à ce producteur nerveux, aussi speed qu’un léopard en chaleur, qui boue sur son siège devant une projection test faisant du sur place. Mais bordel de mince, quand est-ce que l’histoire va commencer ?


C’est à peu près ce qu’on pense pendant trois bons quarts d’heure tant réalité paraît dans sa première partie pour le moins désordonné. Mais lorsque les fils rouges que tisse séparément Quentin Dupieux finissent par se rejoindre, le tableau prend forme. La dernière demi-heure est une dégustation de chaque instant, les réalités multiples entrent en cohésion pour remettre en perspective cette question du point de vue qui est l’ingrédient premier de toute histoire. Celle de Réalité n’en est finalement pas vraiment une, mais plusieurs, qui se répondent comme des clins d’œil faits à un spectateur qui comprend enfin où le chef d’orchestre voulait en venir. À cette croisée des chemins tortueuse entre sens et perception, images et sémantique.


Il y a fort à parier que les habituels Némésis du phénomène Dupieux sortiront une nouvelle fois de la séance passablement irrités par le jeu maniéré des comédiens, la photographie tendance de l’ensemble et la plume capricieuse à l’origine du projet. Personnellement, en tant qu’amateur du style, j’ai savouré Réalité comme j’avais ingurgité les autres films du bonhomme, circonspect au début, amusé au milieu et satisfait finalement de sortir, souriant, de la séance.




7.5/10

oso
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le 15 déc. 2015

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oso

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