A travers le regard de Fliora, jeune adolescent biélorusse et candide, nous découvrons l'horreur réservée à la "vermine bolchévike" par les nazis. Tout commence où, fier comme un coq, le gamin trouve une arme et se fait engager dans l'armée. Ensuite, il va vite déchanter et découvrir l'horrible réalité de la guerre, toutes les monstruosités que l'Homme, revenu à ses instincts primitifs, est capable de faire, ainsi que l'émotion que procure la mort.

[Ne pas lire si vous ne l'avez pas encore vu]

De son village à sa famille, en passant par sa bien-aimée et ses compagnons d'arme, Fliora va assister à la destruction de tout ce qui compte pour lui. La scène où il est affalé dans la boue au premier plan, tandis que le bâtiment rempli de mères et d'enfants brûle avec au second plan, est l'illustration parfaite de son innocence dans le chaos.

Les gros plans de quelques secondes sur sa bouille d'ange sont on ne peut plus déstabilisants. En tant que spectateur, nous ne voyons pas le contre-champ, ce que voit réellement Fliora, et nous commençons à « psychoter » en imaginant tous les scénarios possibles.

Enfin, la scène où l'armée bolchévike attrape les nazis responsables de ce massacre est équivoque. Nous constatons qu'ils hésitent à leur rendre la pareille et être aussi monstrueux qu'eux... A savoir une mort douce et lente par le feu. En fin de compte, ils régleront le litige par une exécution par balle. Pendant tout le film, je me demandais quand Fliora allait utiliser son arme.

En définitive, il l'utilise lors de la scène finale, criblant de balles le portrait du Führer, le responsable de tous ces massacres. En parallèle, nous assistons à une sorte de retour en arrière dans les images d'archives, comme si les balles de Fliora pouvaient revenir dans le passé jusqu'à la naissance d'Hitler. Mais finalement, lorsqu'il imagine le portrait d'Adolf sur les genoux de sa mère, il fait sûrement le parallèle entre lui et sa propre génitrice, et se voit incapable de tirer une balle de plus.

De fil en aiguille, j'ai réalisé une chose. Nous, les spectateurs, voyons les mêmes choses que Fliora. Nous sommes Fliora. Parce que pour la grande majorité d'entre nous, nous n'avons jamais assisté à l'horreur de la guerre, à la vue d'un cadavre sans bras et sans jambes gisant sur le sol. Et peu importe que nous ayons quinze ou soixante ans. Car la réalisation est tellement aboutie, tellement "en plein cœur de l'action", que j'ai eu l'impression d'être Fliora, un adolescent d'à peine quatorze ans qui vit l'enfer sur terre, durant 146 minutes et peut-être un peu même plus.

Sûrement mon film préféré. Merci monsieur Klimov.
Pretoria
10
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le 17 juin 2013

Modifiée

le 17 juin 2013

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Pretoria

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