L'enfer sur Terre des Einsatzgruppen
ça ne commence pas si mal que ça. Vers 1942. Deux gamins cherchent dans le sable des armes pour que l'un d'eux s'engage dans les partisans russes. Les Russes viennent chercher Floryan pour faire partie des Einsatzgruppen, et au début le gamin est content d'avoir un fusil, même s'il ne fait rien. Il se laisse distancer par la troupe, tombe sur Glasha, une jeune fille, avec qui il se perd dans les bois. Retrouve le village, vide, puis comprend que toute sa famille, même les mignonnes jumelles, a été liquidée. Floryan se bat du côté des partisans. Son escouade se fait liquider peu à peu, et il doit cacher son arme (cassée) et son uniforme pour se faire passer pour un paysan biélorusse. Mais cette fois il va voir le tragédie de l'intérieur. Les Allemands rassemblent les gens, les font défiler derrière l'image du Führer, puis les parquent dans une église. Les adultes qui le veulent peuvent sortir, mais sans leurs enfants. Floryan sort. Puis les Allemands prennent grand plaisir à foutre le feu et à regarder l'église brûler en écoutant de la musique bavaroise. Plus tard, Floryan retombe sur Glasha, violée, puis sur les bourreaux nazis qui ont été arrêtés. On les fusille plutôt que de les brûler vifs, par humanité.
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"Requiem pour un massacre" est un de ces films slaves à la photographie magnifique et travaillée, mais vu la noirceur absolue du sujet, j'hésite à le qualifier de "beau".
La violence explose brutalement, après des plages contemplatives fort belles dans la nature. Il y a d'abord, via le travail sonore, la surdité de Floryan due à un "shell shock". Puis, brutalement, l'arrière de la cabane, avec les cadavres, qu'il ne voit pas. Le visage du jeune homme, qui oscille entre l'enfant naïf, qui ne comprend pas, et le vieillard au bord des larmes. Puis ce moment où l'on voit un cadavre exhibé par les S.S., avec un écriteau "ce matin j'ai parlé mal à un S.S.". Et à partir de là, tout s'emballe. Du résumé, vous avez dû comprendre que ce film a une dernière demi-heure particulièrement éprouvante. Et c'est une violence bien plus psychologique, bien plus réelle et efficace que celle d'un "soldat Ryan". Car on sait très bien ce qui va arriver, mais ça arrive quand même, et les Allemands. Et au terme de ce crescendo de l'horreur, ces images de charnier polonais que l'on connaît et que l'on voudrait n'avoir jamais vue. Mais employées à bon escient, juste ce qu'il faut.
En voilà un, de vrai film antimilitariste, qui ne tombe pas dans le piège du film d'action. Avec une direction d'acteurs irréprochable, et de vraies bonnes idées, comme cette séquence finale où le héros tire à répétition sur un portraît d'Hitler et fait remonter des images d'archives à l'envers, manière pour le réalisateur de déconstruire et de ridiculiser le nazisme. Le film ne brille pas par son sens de la nuance, mais son but est ailleurs. C'est un peu "L'enfer" de Dante, toutes proportions gardées, donc je ne vais pas pleurer s'il n'y a pas un nazi moins nazi que les autres.
Au niveau strictement technique, c'est intéressant, avec de beaux extérieurs (le marais), mais aussi un usage intelligent et original des focales, des couleurs où dominent le vert, le marron et le gris. Pas mal de plan-séquence à la steadicam, qui forcent le respect pour le minutage. Et une séquence finale montrant les partisans disparaissant dans la forêt sur le requiem de Mozart.
"Requiem pour un massacre" est un film fort bien réalisé et efficace qui vous laissera avec l'impression d'avoir reçu un direct à l'estomac, mais pas gratuitement. C'est bien trop dur pour le montrer à des jeunes, mais c'est un cinéma adulte qui mérite un grand respect.