"Rien à déclarer" n'est pas une déception à proprement parler, car je n'en attendais pas grand chose. Pourtant, j'avais beaucoup aimé les Ch'tis, mais après un tel succès, il est presque impossible de travailler dans la sérénité et de trouver l'inspiration comique.

Guy Lecluse est une des rares satisfactions du film. Il a peu de scènes à son actif, mais à chaque fois, il fait rire avec son accent du nord et sa bonhommie naturelle. Benoît Poelvoorde fait correctement son job avec tout le talent qu'on lui connaît, mais le gros problème, c'est qu'il incarne un gros abruti raciste et franchement détestable. Difficile dans ce cas d'avoir la moindre empathie et la moindre tendresse pour son personnage. Ce qui est plutôt problématique dans un film qui prétend être une comédie, c'est qu'il n'est jamais drôle : il est même plutôt anxiogène avec son flingue et ses insultes à-tout-va, mais bon, il n'y peut rien, après tout, ce n'est pas lui qui a écrit le scénario...

Si "Bienvenue chez les Ch'tis" tenait globalement la route dans le registre de la comédie bon enfant, "Rien à déclarer" n'est malheureusement pas exempt de défauts : c'est mal filmé, très mal rythmé, et quand on voit la fin plutôt abrupte, on se rend compte que Dany Boon a du couper malgré lui des scènes qui ne fonctionnaient pas au montage (initialement, on devait apprendre dans un flashback que le père de Poelvoorde était français).

Pour vous la faire courte, le scénario tient sur un ticket de métro, la musique semble tout droit sortie des Ch'tis, et on a l'impression de regarder "Bienvenue chez les Belges" sans les scènes marrantes. La force des Ch'tis, c'est que Dany Boon multipliait les références au Nord-Pas-de-Calais, et le film rendait la région et ses habitants sympathiques. Ici, il y a 3 pauvres références à la Belgique (les frites, les chocolats, le Manneken-Pis), et jamais "Baby Boom" ne parvient à nous faire apprécier la Wallonie ou à nous décrocher un sourire avec des expressions belges typiques. Pourtant, il y avait matière à faire rire, à condition de pas s'arrêter aux clichés... L'impression que ça me donne au final, c'est que Dany Boon ne connaît pas si bien que ça la Belgique, et qu'il n'a pas cherché à approfondir le sujet pour son film.

Plutôt que de se focaliser sur la relation Boon/Poelvoorde, le "réalisateur" a eu la mauvaise idée d'ajouter une histoire de passeurs de drogue complètement lourdingue avec Bruno Lochet des Deschiens. Non seulement elle n'est pas drôle, mais en plus, elle nous fait régulièrement sortir du récit principal consacré aux 2 douaniers. Résultat, le développement des personnages principaux est bancal, et on ne croit pas une seule seconde à la pseudo-amitié qui lie Mathias Ducatel et Ruben Vandevoorde : tout va trop vite, et les personnages ne sont pour la plupart que des coquilles vides.

Au rang des déceptions, Karin Viard est horripilante dans son rôle de restauratrice, Zinedine Soualem fait de la figuration, et le gamin belge a un accent parisien qui ne le rend pas crédible pour un sou ! Plus grave, l'immense talent comique de François Damiens n'est pas du tout exploité, et la copine de Mathias Ducatel est une des pires actrices que j'aie pu voir sur un écran. Dany Boon l'a trouvée je ne sais où, et il s'agit vraisemblablement de son premier rôle. Imaginez un peu la femme de Kad Merad dans les Ch'tis, rendez-la plus rabat-joie et beaucoup moins jolie, et vous aurez une idée du personnage. L'actrice est au sommet de sa nullité dans sa scène de rupture avec Dany Boon, et autant vous prévenir, c'est du grand art : on dirait du mauvais théâtre de boulevard joué par des acteurs amateurs. Ils passent tous les deux d'une émotion à l'autre sans la moindre nuance de jeu, et si on la regarde au second degré, c'est à mourir de rire tellement c'est mal joué...

En plus d'être insignifiant et poussif, ce film est aussi vulgaire et beauf, ce qui est assez surprenant quand on a suivi la carrière de Dany Boon. Les dialogues sont souvent grossiers, et toutes les références au tuning feraient presque passer Taxi pour un bon film.

Bref, "Rien à déclarer" est une insulte à la comédie "made in France". Dany Boon a pris tous les mauvais ingrédients des Ch'tis (l'histoire d'amour mielleuse, les 2 ennemis qui deviennent copains) et il a malheureusement oublié d'écrire un scénario qui tienne la route. Bon nombre de scènes tombent complètement à plat, la faute à une exécrable direction d'acteurs. S'il était sorti dans les années 70, ce film aurait été classé dans la catégorie des nanars, et aurait eu vocation à passer en boucle sur Direct 8 entre 2 comédies de Jean Lefebvre. Espérons simplement que cet échec cuisant incitera le nordiste le plus célèbre de France à se remettre en question avant qu'il ne tourne "Bienvenue chez les Ch'tis 2".
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le 11 févr. 2011

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