Guillaume Tell qu’on ne l’a jamais vu

Guillaume Canet a-t-il réellement traversé sa crise de la quarantaine pour pondre ce film ou est-il prévoyant en envisageant les conséquences d’un virage pas facile à contrôler?
Dans un cas comme dans l’autre, son film offre une comédie moins folle qu’on pouvait le croire et en même temps beaucoup plus extrême et bourrée d’auto dérision.


Ça commence petitement, et on craint que ce film qui met du temps à démarrer traine pendant 2 heures sur une seule idée: la dé-ringardisation du Canet quarantenaire.


Déjà, on a du mal à croire au personnage enlaidi et surtout mal fagoté, mal dans sa peau, limite antipathique campé par l’homme-orchestre du film. On ne croit pas une seconde à cet ersatz de film autobiographique tant l’image qu’il renvoie nous semble trop vide pour être vraie.
Face à lui, on est un peu déçu de voir une Marion Cotillard à peine esquintée: elle est là, bonne élève dans sa préparation d’un nouveau rôle, belle, limite parfaite.
Pourtant déjà dans cette présentation pointent quelques petites touches de second degrés, quelques auto-tacles: la Marion studieuse est surtout en quête de rôle à oscar, le Guillaume planplan vit dans l’ombre de sa femme…


Et puis on vient au premier revirement et on enchaine en quelques minutes presque toutes les images choc de la bande annonce.
On se demande pourquoi on a l’impression d’avoir terminé le film en 30 minutes et ce qu’on va bien pouvoir trouver ensuite.


Jusque là on a eu quelques moments drôles mais la plupart étaient déjà éventés par une campagne de pub assommante (même si c’était une très bonne idée de créer de vrais/faux défis de couple où Cotillard/Canet réglaient leurs comptes sur les réseaux sociaux à coups de simili-clichés volés).


C’est plaisant sans être hilarant, et en même temps ce qui est bien rendu, c’est le rapport à l’image et au paraitre.
La difficulté à assumer ses rides est pire pour les personnes dont le physique est le gagne pain, et ici on perçoit bien qu’il est difficile pour un acteur de passer du statut de fantasme à celui d’ex idole, de papa de la nouvelle génération.
On pourrait objecter que la situation est sans doute plus facile à vivre pour un homme que pour une femme, mais est-ce encore tout à fait juste?
Le héros se perd dans un physique qui le trahit, dans une vie rangée qui offre une stabilité pas très funkie, et surtout dans un rapport professionnel délicat: réalisateur et acteur en perte de vitesse, il partage la vie d’une actrice oscarisée, césarisée, et pas encore has been.
Pour une fois, c’est l’homme qui trinque avant la femme.


Et c’est là que le film bifurque vers quelque chose qu’on n’avait pas vu venir:


Guillaume recourt à la chirurgie esthétique et se transforme en Mickey Rourke.
Au delà du personnage qui se perd, on peut apprécier que l’acteur ait pensé à mimer sa vie en poussant l'obsession du personnage à l’excès.
Mieux, on aime le jusqu’au boutisme de la démarche: à aucun moment il ne remet en cause la beauté de ce qu’il fait: il se plait, il trouve un job, il est en paix avec sa nouvelle apparence même si elle dérange tout le monde.
Morale facile, mais bien amenée et surtout inattendue: qui aurait pu penser en voyant les premières images qu’on allait en arriver là?


Et que dire des 5 minutes de série B américaine de ranger des crocodiles? Ça c’était de la vraie bonne surprise, et on sent un acteur qui s’est fait plaisir.


Le tout en mettant en avant la lumineuse Marion (je l’ai rarement trouvée aussi naturelle et belle).
Un film plein d’autodérision, une fond de réflexion sur l’apparence, quelques blagues bien senties et quelques surprises, pourquoi s’en priver?

iori
7
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le 2 mars 2017

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