Toujours debout
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La séquence d'ouverture de "Rocketman" est une véritable lettre d'intention, où Dexter Fletcher promet de ne pas reproduire les erreurs de son précédent long-métrage. En effet, là où "Bohemian Rhapsody" s'obstinait à livrait une copie mensongère et édulcorée de son sujet, l'oeuvre de Fletcher se présente comme une totale antithèse, dans laquelle les troubles de l'auteur seront dévoilés au grand jour. L'introduction, où le chanteur habillé en diable se présente à une réunion d'alcooliques anonymes, joue justement à prendre le chemin contraire, en démystifiant la légende et en la présentant comme un homme perdu, en quête d'identité et d'amour-propre. Cette même crise identitaire guidera l'intrigue et soulignera, de cette manière, la descente aux enfers de l'artiste.
Car, entre son alcoolisme, son addiction à la drogue, sa sexualité ou sa relation compliquée avec ses parents, la vie de Elton John est une véritable tragédie, longuement développée, au gré d'un récit "rise and fall"on-ne-peut-plus classique, mais diablement juste. Une intrigue qui permet avant tout à Taron Egerton de prouver ses talents admirables de comédiens, dans un rôle parfaitement taillé pour lui.
Le scénario de Lee Hall ("Billy Elliot", "Cheval de Guerre") tient donc bien la route, et ce, malgré l'écriture de certains protagonistes. En effet, malgré la qualité du développement de Elton John, celui-ci gravite malheureusement autour de personnages quelque peu sous-exploités ou manichéens. Outre les personnages de la mère (Bryce Dallas Howard) et de Bernie Taupin (Jamie Bell), excellemment joués et écrits, la relation avec son père ou son compagnon (Steven Mackintosh et Richard Madden, très bons) se fait elle caricaturale par moments, tant l'écriture tend à accentuer excessivement le caractère exécrable desdits personnages.
C'est lors de ces scènes que l'on vient à regretter le manque de rigueur, d'objectivité du scénario, dû à la supervision du projet par Elton John lui-même. Un manque qui se retrouve aussi dans les dernières minutes, où tous les arcs narratifs se concluent par miracle dans un déluge de pathos et de sentimentalisme agaçant.
Heureusement, "Rocketman" contrebalance ces quelques lacunes scénaristiques, grâce à son rapport avec la comédie musicale. Véritable hommage aux comédies musicales old-school, il use des codes du genre et joue avec le réel, afin de dépeindre pour le mieux les souffrances intérieures de chacun des protagonistes. De ce fait, à l'inverse de "Bohemian Rhapsody", l'usage et la réinterprétation (superbement réussie) des musiques servent le récit et son avancée, dans un festival frénétique, émouvant et fantasmagorique.
Un aspect musical qui permet aussi à Dexter Fletcher de nous faire oublier la platitude consternante de "Bohemian Rhapsody". En dépit de leur nombre conséquent, les passages musicaux s’enchaînent, mais ne se ressemblent pas, grâce à la diversité des situations ou des effets de mise en scène. Le cinéaste multiplie ainsi les références aux grands classiques tels que "Moulin Rouge", dans des numéros qui décocheront assurément de nombreux frissons aux aficionados de l'artiste. On pense notamment au passage Rocketman, où le symbolisme, la précision de la réalisation et la beauté des paroles finissent par transcender l'écran.
Conclusion
Outre plusieurs problèmes d'écriture, "Rocketman" est un festival d'émotions et un hommage vibrant à cet auteur, en perpétuelle crise identitaire. En usant savamment de ses incroyables numéros musicaux et de ses interprètes au sommet, l'oeuvre de Fletcher est un pur produit pop, jouissif et fantasmagorique, qui nous ferait presque oublier le récent "Bohemian Rhapsody".
Créée
le 1 juin 2019
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