Je crois que ce que je retire de ce film, c'est l'espèce de balance improbable qu'il essaye de faire, semble-t-il malgré lui, entre ce qu'il veut être et ce qu'il doit être.


De ce que je crois comprendre, Gareth Edwards (dont j'ai beaucoup aimé la patte, notamment visuelle, sur Monsters et Godzilla) voulait avant tout faire un film de guerre se déroulant dans l'univers Star Wars et non un film Star Wars. D'où la photographie à la colorimétrie assez désaturée, les moyennes et longues focales pour nous approcher de l'action et le ton des dialogues globalement assez sombre.


Et quand ça marche sur ce point, ça marche franchement pas mal. Mise à part la seconde partie de l'introduction qui saute entre quatre lieux différents en l'espace de dix minutes, la narration suit son cours agréablement sur le plan visuel: là-dessus j'ai retrouvé le Godzilla de 2014, sans le côté frustrant des climax avortés. Les scènes d'action arrivent à point, sont longues mais bien mises en scène, et ne saturent pas non plus le film. Assez fan que je suis des dogfights de la saga, j'avoue avoir été rassasié par des plans fluides, bien que parfois un peu trop courts pour leur propre bien; je pense notamment à ces enchaînement que Abrams avait déjà réalisé pour VII, où la chute d'un vaisseau nous amène au sol où se déroule un combat de fantassins...sauf qu'ici les plans sur les fantassins sont souvent coupés alors qu'un bon plan séquence aurait bien fait l'affaire. Au global, je dirais que le contrat film de guerre est bien rempli.


Côté histoire, je suis également relativement enthousiaste. J'ai aimé l'idée de départ de faire de la plus grosse incohérence de la série le coeur du film. Malgré l'arrivée déjà connue (puisque aucun des personnages du film ne se trouve dans IV), j'ai été plutôt emballé par le charismatique Mads Mikkelsen qui hante de son aura chacun des rares plans où il apparaît. Et même si je la voyais un peu plus dure à cuir dans l'attitude (à la Han Solo en fait), le personnage de Felicity Jones a tout de même la carrure pour être l'héroïne de cet épisode. Côté casting secondaire, j'ai apprécié Donnie Yen et son comparse interprété par Jiang Wen qui apportent à eux deux le côté mystique de la saga mais sur une note assez douce finalement et qui s'intègre dans la narration plus corsée et plus "terre à terre". J'ai A-DO-RÉ me rendre compte au fur et à mesure du film que l'antagoniste de cet épisode enchaînait les tuiles durant la pire journée de sa vie (aka Poisseman); c'est probablement la dose de légèreté la mieux dosée du film.Par contre, j'ai moyennement (euphémisme) apprécié les incursions ultra maladroites du K2S0, droïde supposément humoristique qui au final ne fait que tirer le film vers le bas...


Et c'est là qu'est le souci de ce Rogue One. Edwards ne veut pas faire un Star Wars, en tout cas pas conventionnel, mais il est quand même bien obligé de le faire par la Force des choses. Alors il y a ce robot aux vannes gênantes (pas autant qu'un Jarjar soit) censé alléger le ton (qui n'a pas besoin d'être léger pour cette histoire). Et il y a surtout ces incursions surréalistes de personnages d'un Nouvel Espoir.


Peter Cushing qui nous revient d'entre les morts pour non pas un simple caméo de dos et de loin, ce que son doubleur, très compétent imitateur, aurait pu permettre, mais bien de face en CGI et durant de nombreuses minutes que l’œil humain ne peut s'empêcher de remarquer. R2D2 et C3PO réduit à une réplique qui n'a aucun intérêt dans un coin d'un hangar. Le seul qui s'en sort, c'est, assez incroyablement, Dark Vador; autant son introduction sous la douche n'était pas nécessaire puisque ici son personnage est en position de puissance et n'avait pas besoin de ce moment de vulnérabilité qui avait un sens dans l'Empire Contre Attaque. Autant le reste de sa prestation est juste une démonstration de force qui lui va comme un gant et surtout qui fait sens pour l'histoire. Le fan en moi a trépigné lors de la scène de liaison avec le Nouvel Espoir (qui aurait été mille fois plus intense encore si Vador apparaissait seulement à ce moment). Enfin, notre chère Carrire Fisher, qui n'échappe pas à la numérisation non plus, se paye elle aussi un plan où la vallée de l'étrange est bien là


Je dirais que le plus bel exemple du tiraillement du film, qui très honnêtement pour moi tient malgré tout sa promesse globale (une histoire guerrière dans l'univers Star Wars et non un film Star Wars qui parle d'une guerre), tient dans sa bande originale. La plupart des thèmes principaux du films commencent avec quelques notes pratiquement tirées des thèmes principaux de la saga. Sauf que ces thèmes ne se poursuivent pas de la manière dont ils ont été fermement ancrés dans nos cerveaux. S'en suit alors un effet frustrant. On sent que John Williams devrait sonner dans nos oreilles, mais à la place, c'est un thème "original" qui sonne étrangement, quand bien même il est dans les canons de Williams justement.


Tout comme la présence de l'incipit "A long time ago in a galaxy far far away..." et l'absence du texte déroulant peuvent le résumer, on sent que Rogue One veut être son propre objet, mais ne peut jamais réellement s'extirper du phénomène. Gareth Edwards s'en sort plutôt à bon compte en ce qui me concerne. Grâce à son soin habituel pour la réalisation, avec une direction artistique très maîtrisée et une idée scénaristique mine de rien pas si idiote et surtout assez bien exploitée, il m'a gâté les yeux et parfois les émotions quand il a la bride lâche. Quand l'ombre de la saga pointe son nez en revanche, la tonalité en prend un coup et les cameos sont parfois durs à avaler, quand ils devraient être, au pire, de petites friandises pour les avertis. Pas mal du tout, compte tenu des enjeux, mais pas aussi bon qu'il aurait pu être avec un lâché réel de la part de la production...

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le 15 déc. 2016

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