Everybody rolls with their fingers crossed

Difficile de voir en ce carnage un film qui aurait pu être bien, tant il a été dépouillé de sa substance par une post-production meurtrière. Mais c'est pourtant le cas.


Fort du succès de sa version de Thomas Crown, John McTiernan accepte de faire un deuxième remake de Norman Jewison : Rollerball. La nouvelle fait saliver les fans, c'est sans doute le choix le plus pertinent dans l'histoire des remakes ! Dès les premières images et interviews, le film s'annonce comme le Spartacus des temps modernes, McTiernan y voyant de quoi parler d'entertainment-media et de révolution du prolétariat.
Donc le sang giclera à flots, Pink y chantera des chansons de Kurt Weil ( compositeur attitré de Bertolt Brecht ) et la première heure du film sera dictée exclusivement par l'image, le jeune héros ne lisant pas le cyrillique.


Dans le commentaire audio de Die Hard 3, enregistré en 2001, McT indique vouloir changer radicalement de mise-en-scène pour son prochain projet : "Sur Medicine Man, il doit y avoir au total 600 coupes. Sur mon prochain, Rollerball, il y a un millier de coupes PAR BOBINE ! Ce sera un film très découpé... comme un grand clip de rock."
Mais loin de lui l'idée de se changer en Tony Scott ( dont il annonce ne pas aimer l'image trop plate de ses longues focales ) il conservera sa science de la géographie.


On s'attend donc à un choc visuel de tous les instants. Mais son manifeste Marxiste ne sera pas du goût de tous... Suite à une projection test désastreuse, le producteur Charles Roven va prendre sur lui de sauver le film. Sa vision de Rollerball : un film d'action pour pré-ados de plus. N'accordant aucun crédit à celui qui a à deux reprises révolutionné et redéfini le genre, il va va tronquer un bon tiers du film dans son dos, en édulcorer la violence, retourner des scènes explicatives, virer les chants gauchistes de Pink et la révolte finale. Les émeutiers se contenteront de renverser une limousine et casser deux antennes paraboliques... Point.


Après avoir accumulé les retards de post-prod, le film sortira en salles dans une version PG-13 où le sang est badigeonné à la palette graphique pour n'être que de la sueur. Flop retentissant. ( Une version Unrated est disponible en DVD. Le montage ne diffère pas, mais le sang est présent. )
Rollerball sonnera le glas de la carrière de McTiernan. Son bras de fer paranoïaque avec Charles Roven l'a poussé à le faire mettre sur écoute, évènement boule-de-neige qui va le conduire des années après à la case prison !


La même année, Tsui Hark sort Black Mask 2, très proche dans son approche de l'action décomplexée avec ces corps qui volent dans tous les sens, et sa description acerbe du monde des producteurs sans scrupules... Mais lui a remporté son combat contre eux. En bon ours des bois, McTiernan a mis une fois de trop la main dans un engrenage défaillant...


Seule la première demie-heure survit à peu près, témoin de ce qu'aurait pu être le film. Exclusivement sensoriel, le premier match contient de vrais plans virtuoses, une férocité dans les affrontements et un humour caustique de tous les instants.
On est ensuite témoin d'un premier reshoot honteux : dans une sorte de vestiaire désaffecté complètement poisseux, Rebecca Romijn prouve à Chris Klein que les caméras étaient braquées sur une joueur victime d'une agression à l'avance... en déployant un moniteur hi-tech depuis un mur hors-champ !
C'est parfaitement ridicule, mais comment pensaient-ils s'en tirer ??


C'est le début d'une longue dégringolade, le montage ne laissant jamais le temps de valider les idées les plus folles, on passe son temps à se gratter la tête jusqu'à en perdre ses cheveux dans un affolement teinté d'angoisse... Comble de l'horreur, la scène en nightshot. Un montage moins obsédé par la narration aurait donné une personnalité à la scène, mais en l'état rien ne vient justifier ce choix audacieux.


L'inanité exponentielle du film est d'autant plus destructrice que les éléments intéressants ne parviennent même plus à faire surface. Pourtant la photo est maitrisée, Jean Reno tout à fait bon en magnat mafieux venu de l'est et même la partition d'Eric Serra est audible !


Le match final, au cours duquel les pénalités sont suspendues, va trouver un lugubre écho dans la vie même de McTiernan : le héros sait que les dés sont pipés, et décide de jouer quand même, s'offrant en sacrifice au nom du divertissement. Et il va en prendre plein la gueule avant qu'enfin le peuple ne se soulève en sa faveur !

mikeopuvty
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le 4 avr. 2013

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Mike Öpuvty

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