Bien que la probabilité que vous vous fassiez enlever et finissiez enfermés pendant une dizaine d’année dans un bunker soit très mince, il existe en revanche une grande probabilité pour que vous vous identifiez aux personnages s’échappant de ces atrocités. Vous pouvez y voir ici une analyse de bas étage mais je pense que cette identification est le résultat d’une ère où nous sommes de plus en plus renfermés sur nous-mêmes. Nous prenons donc ces histoires à cœur car elles nous invitent à briser ses murs qui nous entourent, à remettre les choses en perspective.


Room fait évidemment penser à la série Netflix Unbreakable Kimmy Schmidt sortie un an avant puisqu’abordant les mêmes thèmes. Ce qui est frappant, c’est la similarité dans le propos, à chaque fois nous suivons des victimes qui refusent d’être perçues comme telles. C’est rafraichissant.
7 ans avant le début de notre histoire Old Nick (Sean Bridger) a enlevé Joy (Brie Larson), une fille de 17 ans et la maintient prisonnière dans une cabane. Quand deux ans plus tard, elle a accouché de leur enfant, un enfant du viol donc, les portes sont restées closes.


Nous entamons l’histoire au moment des 5 ans de Jack (Jacob Tremblay) qui sera, plus que Joy, notre guide pour cette histoire. N’ayant jamais quitté « The Room », on va découvrir en même temps que lui ce monde qui l’entoure. En effet sa seule réalité au début est cette pièce, le reste est dans l’espace, l’océan n’existe pas, les chiens n’existent pas. Pourtant Jack n’est pas malheureux, un peu comme un poisson rouge dans un bocal, sa curiosité pour le monde qui l’entoure se limite à la pièce. Des choses aussi communes que des toilettes, une cuillère ou une souris sont autant de sources d’émerveillement pour lui que de choses normales pour nous. De l’autre côté se trouve Joy qui elle est bien consciente de la réalité : la pièce est une prison. Ces deux visions vont s’entrechoquer et parfois entrer en conflit.


Le début du film est avant tout un jeu sur les perceptions. Cette partie m’apparaissait longue mais c’était le temps d’acquérir le même système de compréhension que le personnage de Jack. Une fois que c’est fait, on se rend compte du talent incroyable du jeune acteur capable de nous faire voir son monde à travers ses yeux. Son opposition avec le point de vue de Joy est le fil conducteur du film et leur performance offre une relation mère-fils incroyable ponctuée de moments forts comme l’incompréhension de Joy face à la joie que peut parfois éprouver Jack ou quand la promiscuité de la pièce ne lui offre pas assez d’intimité pour pleurer seule.


Lenny Abrahamson, le réalisateur m’a un peu désorienté au début, la faute à une utilisation intensive de close-ups. Ce que j’ai apprécié en revanche c’est sa retenue face aux évènements, refusant par exemple de montrer les viols de Joy et préférant se concentrer sur le ressenti de Jack. On ressent que la caméra n’est pas utilisée à son plein pouvoir mais c’est sans compter la deuxième partie du film.


(Donc voilà, j’aimerais discuter un peu de cette deuxième partie mais forcément je spoile un peu donc allez voir Room puis revenez)


Consciente que garder Jack coupé du monde plus longtemps pourrait avoir de sérieuses conséquences (il commence à voir Old Nick comme une sorte de dieu, à la fois réel et irréel, encore une fois c’est très bien pensé), Joy prend la décision de tenter une évasion. Un moment assez étrange dans le film, c’est incroyable de tension, on se croirait presque dans un thriller. Brie Larson nous donne le meilleur d’elle-même avec une séquence à fleur de peau. Mais, c’est là qu’on a le droit au pire de la technique de Lenny Abrahamson avec des close-ups et des ralentis beaucoup trop présents et chaotiques.


C’est après cette transition brutale que Room prend toute sa force selon moi, une fois projeté dans le vaste monde. Joy est enfin réuni avec ses parents (Joan Allen et William H. Macy) et essayer de se reconstruire. Jack n’est plus sa lueur d’espoir mais le rappel du trauma qu’elle a vécu. Brie Larson brille dans cette partie, exposant toute sa fragilité, suspendue entre son rôle perdu de fille et ses nouvelles responsabilités de mère. Et encore une fois, de l’autre côté du miroir se trouve Jack qui fait ses premiers pas dans notre monde. Chaque nouvel accomplissement pour lui est un ravissement, je ne cesse de le répéter mais c’est l’une des meilleures performances d’enfant depuis un bon paquet d’années. Autre point fort pour cette deuxième partie, c’est évidemment la caméra qui prend tout son pouvoir dans les grands espaces et délivre un plan de fin d’une sacrée force évocatrice.


Room est un must-see, confirme tout le bien que je pense de Brie Larson et me rend curieux de l’avenir de Jacob Tremblay.

Arnaud_Mat
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le 16 mars 2016

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Arnaud Mat

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