Sanctuaire
6.2
Sanctuaire

Film de Michele Soavi (1989)

Mon film fétiche a beau être Dellamorte Dellamore, je n’ai vu que deux autres réalisations de Michele Soavi : Bloody bird, qui était du sous-Argento assez moyen, et Arriverderci amore ciao, un polar dont je ne garde presque aucun souvenir. Donc en voyant Sanctuaire, je doutais retrouver la splendeur du chef-d’œuvre de Soavi… mais au moins, peut-être, tomber sur un film d’horreur 80’s sympathique.


Sanctuaire débute au moyen-âge, ce qui m’a vraiment fait plaisir car c’est trop rare d’avoir des films présentant l’envers trash de l’univers médiéval. Et là, on a droit à des templiers en armures, qui massacrent aussi bien des sorcières que des innocents au nom de leur religion, ça charcute, ça décapite, ça transperce, … Et toutes les victimes sont ensevelies dans une fosse commune, sur laquelle est bâtie une église, toujours debout à notre époque. Mais des travaux mettent à jour un parchemin, dont s’empare un bibliothécaire alors que ce n’est que son premier jour de boulot à l’église. Et il s’emporte : on ne sait pas pourquoi, il est convaincu que les bâtiments religieux cachent des trésors, des reliques qui donneraient des pouvoirs surhumains, et il se persuade tout seul que le parchemin qu’il a récupéré est la clé d’une de ces découvertes.
Eh bah non, perdu, ça le mène juste à se faire posséder par des démons. Il est le premier d’une série de personnes à être contaminés, un par un, par un simple contact. Mais au final, on dirait que les scénaristes (six au total, quand même), ont décidé que tout le monde serait pris de folie rien qu’en étant dans l’église… ça n’est pas bien clair.
Le hasard veut que les démons se déchaînent au moment où pleins d’individus différents, un peu farfelus, visitent le bâtiment (un couple de métalleux, un groupe scolaire, deux vieux séniles, …). Et tous se retrouvent enfermés.
C’est exactement comme dans Démons, de Lamberto Bava, auquel participaient déjà Argento et Soavi.


La simplicité du scénario aurait pu passer, si l’écriture était plus soignée, mais la caractérisation des personnages et leur comportement sont absurdes. Le premier passage un peu risible, c’est quand le bibliothécaire laisse tomber sa conquête au moment des préliminaires, juste parce qu’il vient de faire une découverte (et la fille se résigne à lire du Mickey, normal).
Mais c’est rien par rapport à la suite ; plus le film progresse, plus il est riche en scènes absolument ridicules. Ca passe par les gamins qui citent du Nietzsche, la fille qui saute la tête la première par la fenêtre quand elle est poursuivie, le vieux moine qui se place juste devant un rebord avant de se battre contre un prêtre (devinez ce qu’il se passe !), …
Quand le premier type se fait posséder, pour montrer que quelque chose se trame et le rendre un peu menaçant, on lui a foutu un verre de lunette cassé, et une mèche décoiffée. C’est limite parodique.
Et puis il y a des scènes que je n’ai juste pas compris, comme lorsque cette femme se fait embrocher et que ça ne perturbe personne.


Michele Soavi est un ancien assistant, et accessoirement acteur, de Dario Argento ; Bloody bird était son premier long-métrage, Sanctuaire son second, et l’influence de son mentor se fait encore bien sentir. Le réalisateur de Suspiria est scénariste et producteur, sa fille Asia est au casting, et à la BO on retrouve le groupe Goblin… mais on ne va pas s’en plaindre !
Pour moi, l’écriture faiblarde des personnages évoque justement les films d’Argento, dans lesquels il y avait souvent des scènes et des dialogues complètement ridicules, et ce peu importe la qualité de la réalisation (j’ai revu Opera récemment, et c’est choquant).
Heureusement, Sanctuaire a également un peu hérité de la mise en scène d’Argento. On y retrouve ces longs travelings dans de vastes décors, où l’on suit comme le regard d’une entité désincarnée.
Et j’ai eu le plaisir de retrouver cette ambiance spéciale, qui nous enveloppe de son aura mystérieuse, propre aux films d’horreur de cette époque. Soavi a la même manière de mettre de l’emphase sur des scènes qui pourraient être banales, par le rythme, le cadrage, ou l’éloquence de l’interprétation. Ces scènes sont imprégnées d’un certain lyrisme, elles s’écartent momentanément du réalisme pour faire ressortir la beauté de moments anodins.
Il y a pleins de petites idées à travers lesquelles ont sent que le cinéaste a réfléchi longuement à la façon de porter de l’attention sur un élément, avec originalité et esthétisme. Il y a besoin de faire remarquer ce bord tranchant sur lequel un personnage s’est blessé ? Au lieu d’un simple gros plan, Soavi fait tomber un goutte-à-goutte dessus, qui fait se démarquer l’élément en question par le bruit distinctif de l’eau qui s’y écrase. J’y vois les prémisses des plans contemplatifs de Dellamorte Dellamore.
Et, évidemment, il y a aussi la musique éthérée et inquiétante de Goblin, qui exerce un pouvoir de fascination.
Sanctuaire est avant tout un film d’ambiance, mais lorsqu’il y a des fulgurances gores, ça y va plutôt fort, et il y a quelques plans de cauchemars qui en imposent. Dommage qu’il n’y en ait pas plus souvent comme ça ; il faut attendre longtemps entre chaque scène saignante.


Je suis partagé quant à Sanctuaire : je n’en attendais pas grand chose, et j’ai d’abord été agréablement surpris par la mise en scène, avant d’être déçu par la nullité de passages vraiment risibles, et la bêtise du scénario qui transforme le film en cliché du cinéma d’horreur. Démons était plus bête encore, mais aussi plus fou et donc un peu plus fun.
Bon… c’est pas Dellamorte Dellamore, quoi.

Fry3000
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le 7 févr. 2017

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Wykydtron IV

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