Parmi les différents angles sous lesquels on peut aborder le film de Jean-Paul Rouve, il y a celui du biopic & celui de la comédie. Après tout, Rouve s’attaque à l’histoire d’Albert Spaggiari & pousse le geste jusqu’à l’interpréter lui-même ; les deux étaient d’égaux fanfarons & il ne semble pas y avoir de faux raccord.
Sauf que cela rend tout à fait illusoire de satisfaire tout le monde sur la durée : Spaggiari était un criminel & l’on ne peut pas le tourner en dérision longtemps sans faire un paquet d’anicroches à l’histoire vraie. Rouve se rend coupable d’une forme de révisionnisme ni assez parodique ni assez détaché, même s’il faut reconnaître qu’il révisionne aussi le cinéma à l’occasion : son histoire de cavale, de police & de luxe sud-américain laisse difficilement croire que c’est son premier film dans la manière dont elle surgit du tous-les-jourisme qui lui sert d’introduction. Et on s’y croit ! À peu près.
Sous ses airs de clown, qu’on soit d’accord ou non avec l’adaptation libre qu’il fait du “personnage réel”, il arrive à faire fonctionner énormément d’alchimies modestes contribuant à ce qu’on ne s’ennuie jamais : Alice Taglioni & Gilles Lellouche sont alors très joliment mis en valeur dans leurs seconds rôles.
C’est le contexte qui manque : très peu linéaire & trop pointilleux quant à la décoction des scènes les plus croustillantes, le film s’interdit de faire le plein de cohérence en plein vol – c’est vrai que c’est risqué quand on jongle entre humour & faits divers, mais c’est tout juste si son ovni aterrit sans dommages après sa traversée de quelques turbulences : de la police aux mafieux, aucun “milieu” ne tient debout. Ce n’est pas par seule fantaisie que Depardieu est crédité “pour la première fois pas à l’écran” : l’apparition de sa bouche & de sa voix distrait des impairs qui font prendre l’eau au reste de l’œuvre.
Aucun génie donc, mais pour un semi-biopic naïf fourbi de rebondissements plus amusants que réfléchis, Rouve parvient à faire entrevoir un bout à peu près fidèle de la vie de cavale de Spaggiari tout en nous faisant vivre sa mignonne idylle de fin de vie avec la douce douleur d’un mal du pays. Ne nous laissons pas abuser par ses tâches multiples toutefois : Rouve n’est pas Spaggiari.
→ Quantième Art