Le paradoxe du fin et du gras

Avec le recul, la bribe de promotion de Sausage Party portée à mon attention aura été vraiment trompeuse : le premier teaser annonçait à mon sens une sordide comédie d’animation, celui-ci adoptant un angle de vue résolument « trash » dans le sens gore du terme, à même de susciter une certaine forme de malaise... mais au regard du rendu final, quelle entourloupe !

Connaissant l’humour hautement déluré de Seth Rogen, la surprise est assurément de courte durée, tandis que Sausage Party déroule avec une impertinence rare une composante grassement sexuelle : car oui, les quelques tollés soulevés par des associations conservatrices (ou non) tatillonnes sur le sujet ne sont pas infondés, le long-métrage versant en l’espèce dans une liberté de ton décapante.

Bref, c’est grossier, gras (encore) et débridé comme rarement vu dans une telle production animée, mais le fait est que cette mayonnaise éminemment calorique fait mouche : au détour d’une intrigue folle, multipliant les références en tout genre et autres péripéties déjantées, Sausage Party construit de fil en aiguille un propos satirique et critique qu’il convient de déceler au sein de ce foutoir sans nom.

La facette religieuse de son univers parodique est en ce sens finalement prédominante, le film n’hésitant pas à user de son pouvoir comique de mauvais goût pour habiller pour l’hiver les dogmes de tout bord : l’incontournable conflit israélo-palestinien y occupe ainsi un place centrale, les aliments héros d’un jour offrant un vivier savoureux de figures détournant avec brio les archétypes propres à chacun.

Si l’on pouvait de prime abord s’en tenir à un amoncellement de vannes douteuses (et dieu qu’il y en a), il s’avère bel et bien que Sausage Party recèle un message de paix, certes nappé d’un fort sirop d’irrévérence pure, mais de paix, oui : bon, cela n’enlève en rien à la légèreté de son récit, qui penche dans l’ensemble dans une succession endiablée de grasseries de tous horizons, mais aussi saupoudrée (comme déjà dit) de quelques références délectables.

Finalement, la quête de Frank et de ses comparses constitue un divertissement pas si désuet, son apparente débilité chronique servant de parfait masque à un semblant de réflexion bien plus pertinent qu’escompté ; la composante purement comique pour sa part, entre clins d’œil jubilatoires et penchants pour de l’absurde à toutes les sauces (dont l’orgie finale constituera le point d’orgue par excellence, une bien « belle » séquence en l’occurrence), complète pour le meilleur et pour le pire la réussite de cet ovni d’animation mémorable (à sa manière).

Un long-métrage atypique à bien des égards, qu’il conviendra de dévorer à pleine dents sans plus tarder : mais pour certains, gare à l’indigestion.