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S'il fallait un film pour illustrer la bêtise des producteurs, Scanners en serait le plus parfait exemple. Imaginez que l'on vous fasse signer votre contrat, et que dans la foulée on exige que vous écriviez le scénario tout en tournant, le tout en moins de deux mois, afin de pouvoir profiter d'un abattement fiscal. Voilà le calvaire qu'a dû endurer David Cronenberg pour mener sa barque jusqu'à bon port, et malgré certains défauts, on reste pantois devant un tel résultat, surtout au vue de ces difficultés.
Ancrée dans le cyber autant que dans le manichéisme capitaliste, Cronenberg nous embarque dans une aventure intelligente, véhiculant une rage incroyable dans sa mise en scène, et étant une sorte de précurseur aux hordes de films avec des personnages dotés de super pouvoirs. Ici les combats se font d'esprit à esprit, comme une partie d'échec, et les bons affrontent les mauvais, dans des séquences allant du gentillet au gore primaire. Cependant Cronenberg marque un changement radical dans sa façon de répandre la violence graphique, ne la balançant qu'au début et à la fin, afin de mieux se focaliser sur la narration, et non plus le visuel. Inédit à l'époque, il impose même une amère vision de l'outil informatique, servant une scène où le héros ne livre plus une bataille mentale contre un homme, mais un réseau informatisé, dans le seul et unique but de prouver la supériorité de l'esprit humain sur la machine.
Bref, Scanners vient se classer parmi les meilleures réalisations du maître, malgré d'évidentes erreurs dues à l'agenda qui lui était imposé. Des parties sont molles, d'autres inutiles, et livrent bataille, tout comme les Scanners, aux meilleurs instants, en faisant une oeuvre aussi bancale que culte. Impossible d'oublier Michael Ironside, au mieux de sa forme, nous livrant un bel étalage de son jeu unique trop souvent mis au second plan par le cinéma, faisant de lui l'un des meilleurs antagonistes de cette époque. Ça n'est d'ailleurs pas pour rien qu'il se sera approprié la totalité de l'affiche du film, laissant sur le carreau Stephen Lack, qui, il faut bien l'avouer, semble totalement dépassé par son adversaire.
On notera également la présence de Robert A. Silverman, personnage récurent chez Cronenberg, s'offrant ici un rôle bien plus important qu'à l'accoutumée, et collant parfaitement avec son physique d'excentrique un peu fou.
Pour conclure, les accrocs à Cornenberg ainsi qu'aux films d'anticipation façon cyber auront toutes les raisons de se mettre la caboche en ébullition devant cette pellicule, bien qu'il soit indéniable qu'elle ait pris un coup de vieux, notamment en ce qui concerne tout ce qui a trait à l'informatique. Les moins réceptifs au manichéisme seront les plus déçus, la bobine ne livrant finalement que peu de surprises, si ce n'est un relatif happy-end, chose presque inédite chez le cinéaste.
Mention spéciale pour Michael Ironside, pierre angulaire sans laquelle le film n'aurait pas eu le même impact. Pourtant méchant, il restera inoubliable, à l'inverse de son adversaire, Stephen Lack, qui sera très rapidement tombé dans l'oubli, ne réapparaissant que brièvement dans Faux-semblants, également de Cronenberg, avant de disparaitre de la circulation.
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