Route vers l'enfer par pierrick_D_

Mitch et Carter,deux trentenaires potes depuis leur adolescence,tombent en panne de voiture en plein milieu d'une région désertique.L'occasion pour eux de régler leurs comptes,mais l'explication va tourner au vinaigre.C'est ce qu'on pourrait appeler un film carte de visite.Les frères Kevin et Michael Goetz,réalisateurs du truc,ont visiblement voulu attirer l'attention des studios hollywoodiens.Eh,les mecs,visez ce qu'on arrive à faire avec un budget minuscule,alors imaginez les possibilités si vous nous filiez un gros paquet de fric!De ce point de vue,"Scenic route" est assez réussi.Pas évident en effet de faire un film qui maintienne un certain intérêt pendant presque une heure et demie avec deux types coincés dans le désert.C'est original,c'est plutôt bien filmé,et les paysages ont de la gueule.Après,l'histoire reste quand même très limitée par le minimalisme de son dispositif.Les Goetz se cantonnent généralement aux conversations des deux personnages,soutenues par de bons dialogues qui rendent justice à une réflexion bien vue sur l'évolution que peut connaître l'existence de chacun d'entre nous.Carter,le petit gros barbu,reproche à Mitch d'avoir abdiqué ses rêves de jeunesse et de s'être laissé bouffer par le système.Il se voyait guitariste voyageant au gré des tournées et des filles d'un jour,il se retrouve à bosser dans un bureau,marié et père de famille,vivant dans un joli pavillon.Mitch,le beau gosse au pied plâtré, contre-attaque en rétorquant à son ami qu'il n'est qu'un pauvre gars qui est resté bloqué sur des idéaux dépassés,ce qui lui vaut d'être devenu un écrivain raté que personne ne veut publier et un SDF fauché.Tous deux,après s'être copieusement engueulés,finiront par reconnaître que tout cela est vrai.Mitch n'est pas vraiment satisfait de sa vie routinière et regrette parfois d'avoir changé de voie.Carter avoue mal vivre la situation d'échec que son obstination a entraînée.Ces propos philosophiques ne sont pas sans fondement,mais ils ne sont pas non plus très neufs.Des chansons comme "Mes amis,mes amours,mes emmerdes" d'Aznavour,ou "Le blues du businessman" dans Starmania,ont déjà évoqué ces problématiques de manière plus courte et concentrée."Dans la vie on fait ce qu'on peut,pas ce qu'on veut",faut-il s'y résigner pour autant?Vaste question.Le scénario bifurque ensuite vers une analyse du comportement humain.Les deux hommes,en désaccord,vont voir leurs différends aiguisés par les ravages exercés sur eux par leurs conditions de vie.Affamés,assoiffés,épuisés,accablés de chaleur le jour et transis de froid la nuit,leur vernis civilisationnel et leur amitié vont vite céder la place à la violence et à la sauvagerie.Cet exercice de style se clora de façon ambigüe,sans qu'on sache si les protagonistes s'en tirent aussi bien qu'il est montré ou si cette fin idyllique n'est que le fruit de leur imagination.Si l'on examine de près la mécanique du scénario,on s'aperçoit qu'il est truffé d'incohérences et de questions non résolues.D'où les gars viennent-ils et où vont-ils?Pourquoi Mitch,qui a coupé les ponts avec Carter,a-t-il accepté de l'accompagner dans ce périple?Il y a aussi des facilités et des grosses ficelles.Il ne passe quasiment jamais un véhicule sur cette route et,lorsque d'aventure il s'en pointe un,c'est toujours à un moment où les personnages se sont éloignés de leur bagnole.Et quand Mitch,qui croit son camarade mort,s'apprête à l'enterrer,c'est pile à ce moment que l'autre se réveille.A part ça,les deux acteurs sont très bons et font le maximum pour combler le relatif vide de l'entreprise,qu'il s'agisse de Josh Duhamel,également impliqué en tant que producteur exécutif,ou de Dan Fogler.