Pour des besoins d'analyse thématique, cette critique révèle l'identité du nouveau Ghostface.


Scream 4 est un film malade qui souffre en miroir de la pathologie mentale de son nouveau tueur en série : là où Jill Roberts propage la mort sous prétexte d'un complexe d'infériorité (ayant grandi sans avoir l'expression d'exister, puisque la renommée de Sydney Prescott a détournée d'elle toute l'attention qu'elle pensait mériter enfant), Wes Craven tire sa révérence par le biais d'un ultime film marqué d'un grandiloquent complexe de supériorité.


S'il l'affichait déjà avec le premier volet et ses multiples auto-citations, il poursuit la tâche en se plaçant comme dernier rempart d'un genre disparu : Craven, le baroudeur, affirme dès le début son dégoût de l'horreur gore du rafraîchissant James Wan en rejetant, sous le déguisement de sa franchise poubelle Stab dans la franchise déchue Scream, la nouvelle vague de Torture Porn et d'horreur s'éloignant toujours plus des codes de la génération du réalisateur.


Car du haut de ses 70 ans passés, il revient pour remettre de l'ordre dans un cinéma de genre qu'il juge mauvais, et qu'il ne va pas se gêner de tacler en le "poussant à réfléchir" sur son essence profonde. Il essaie de reproduire furtivement, dans son introduction, la réflexion méta qu'il réussissait haut la main avec le premier film de la saga, sans pour autant en approcher le dixième de la profondeur; très peu inventif, il se contente, durant ses deux premiers actes, de tenter la leçon d'efficacité en enchaînant les meurtres couplés à une tentative désespérée de développer ses anciens et nouveaux personnages, sans n'avoir plus rien à dire sur les uns, ni savoir quoi dire sur les autres.


C'est raté. La première heure est un calvaire enchaînant relation de couple grotesque, acteurs fatigués, poncifs du Slasher et clichés sur la jeunesse, jusqu'à l'instant fatidique où Craven, se souvenant de la portée originellement méta de la saga, replonge nos personnages dans le milieu de la cinéphilie au travers d'un ciné-club basé sur le film de genre. Avec le retour inattendu (dans le sens où personne n'en voulait) de son égocentrisme insupportable, imagé par le retour du rapprochement Wes Carpenter : Craven, représenté par La Colline à des yeux, se lie à l'image à Carpenter, incarné par The Thing, par le second Halloween de Rob Zombie, qui représente le genre du Slasher, point de rencontre des deux artistes.


Une image attristante dans le sens où l'on peut autant la percevoir comme Craven qui rappelle au spectateur qu'il est le dernier survivant de son époque, ou de lui se remémorant l'époque révolue durant laquelle il était un grand metteur en scène, novateur et inspiré. S'érigeant comme un réalisateur classique du cinéma, il ne présente dans cette salle d'ado cinéphages que des films des années 80-90, fleurons d'une époque et de ses codes; ainsi, les rares long-métrages des années 2000 présents à l'écran sont soit la suite d'un remake (Halloween 2), soit un hommage volontairement daté à l'âge d'or du vidéoclub (Boulevard de la mort de Quentin Tarantino).


Wes et Kevin Williamson (de retour au scénario après de longues années au poste de producteur) prouvent, rien qu'avec cette première scène méta, à quel point ils sont dépassés par l'époque qu'ils analysent pourtant avec un grand sérieux (et tout autant de mépris) : le fait qu'ils ne citent à l'écran que des films qui leur rappellent le temps où ils furent des artistes rentables, qu'ils érigent les séries b de leur époque comme des références surpassant la nouvelle génération de films d'horreur laisse transparaître leur personnalité aigrie, totalement en dehors de l'évolution des codes et du cinéma.


Par la résurrection éphémère d'un genre qu'on croyait depuis longtemps éteint (heureusement, le Slasher ne survivra pas à l'année 2011), Craven et Williamson prouvent au public à quel point ils se sont changés en vieux cons réac incapables de se réinventer et de dissimuler le mépris qu'ils ont pour la nouvelle génération (qui a pourtant grandie avec leurs oeuvres). D'un ton sérieux, professoral, ils basculent petit à petit du statut de film de genre inoffensif et violent à réflexion méta ultra-poussive et prétentieuse, où sera ré-abordée, après l'esquisse Scream 2 et le parodique Scream 3, la question du remake et du renouvellement des codes d'un genre qui n'intéresse plus grand monde.


Jusqu'à pointer du doigt les propres limites de leur collaboration : à l'image de Scream 2 qui critiquait les suites en reproduisant l'exact même schéma, ce quatrième épisode dénonce le surplus forcé des remakes (à l'orée d'une décennie marquée par les nouvelles adaptations, les reboot et les remakes; le timing était parfait) sans pourtant l'éviter; pire, il plonge à pieds joints dedans, et se croit intelligent de le faire, à ce point intelligent qu'il en vient à mépriser son public.


Logique, dans un sens, que Craven n'accorde guère de crédibilité aux adolescents qui viendront voir son nouveau Scream : de toute façon, ils s'y pointeront pour ses hectolitres de sang, ses nanas à moitié à poil, ses corps démembrés, et surtout, pour son humour sauce années 2000 bien destructeur d'enjeux. Après tout, il les considère comme des p'tits pervers décérébrés, vicieux ou introvertis, tous d'accord pour se trouver un point commun : la superficialité des écrans.


Incapables de songer à autre chose qu'à leur nombril, ces jeunes ne pourront pas être sensibles au message dissimulé derrière Scream 4 : un nouveau film dans le film. Alors, il leur donne tout cela, un peu en bordel, mais l'envoie avec une certaine générosité : ils veulent du sang, ils en auront ! Et oui, il y en a. Trop, beaucoup trop. Des morts aussi, il en donne à revendre (mais est toujours incapable de se débarrasser d'au moins un membre fondateur de son trio rentable). De l'opium pour ce bas peuple qui, à l'instar de ces producteurs qui le forcèrent à enchaîner les suites de Scream plutôt qu'à le laisser s'embourber dans les mélodrames qu'il voulait faire, ne sera pas capable de remarquer le trait de génie derrière le divertissement : sa réflexion méta sur le cinéma.


Mais voilà qu'il y a de quoi être embêté; et s'il y avait, dans la foule, des jeunes qui connaissent sa saga et attendent le retour en force de cette mise en abîme cinématographique? Ceux là sont ceux qu'il considère comme les plus cons : qu'on leur donne des oeufs de lump ou du caviar, ils ne feront aucune différence. Autant leur proposer, dès le départ, un film dans le film dans le film : à Williamson de critiquer le procédé à peine déniché par un dialogue brouillon qui s'emmêle les pinceaux sur le lien chronologique entre les différents Stab (réflexion inutile puisqu'aucun spectateur n'aura vu ces films; la comparaison, seulement logique pour le personnage qui l'élabore, n'a donc d'autre utilité que celle de prouver la réflexion méta des deux artistes).


Cela ne suffira pas : faut leur proposer un charabia terrible visant à expliquer le but d'un remake, et de poser les raisons profondes de cette nouvelle vague de crime forcément liée à ce même concept de copie réactualisée. Mauvaise pioche pour ceux qui ont vu Scream 2 (80% du public?) : ils se douteront que ce n'est qu'un artifice visant à dissimuler le véritable prétexte des crimes, forcément en lien avec le véritable sujet de la saga post-premier volet, Sidney Prescott.


Autant renouveler l'expérience avec un tueur qui a mis ses méthodes à jour en filmant ses crimes : le cinéma inspiré de faits réels inspirant de nouveaux faits divers. Révolutionnaire ! Oui, mais non : Carpenter le faisait déjà en 1995 (et en mieux) avec L'Antre de la folie. Ne reste plus qu'à repartir, faute de mieux, sur la thématique déjà abordée dans le second volet, celle du remake et de ce qu'il engrange comme excès d'effets, comme réactualisation pas toujours maîtrisée.


Dur, vous vous en douterez, de réussir à moderniser une oeuvre quand on est incapable de comprendre les nouvelles moeurs de la société : en en livrant une parodie, à la limite, au travers de ses blagues au moment du dernier souffle, à grands coups de grotesques "Je suis gay" et de navrants "J'emmerde Bruce Willis" (oui, il se met aussi à tailler une tirade sur les chances de survie d'un policier dans un film d'horreur).


Après son name-dropping incroyable et le grotesque de son climax dans un hôpital (il croie briser les codes en reportant sa conclusion dans un autre cadre), Scream 4 pense s'élever au dessus de tous les autres volets, s'auto-persuadant d'être le meilleur épisode de la franchise en explicitant tout ce qui se passe à l'écran (soulignant les ponts grossiers érigés pour le relier au premier volet), l'opus ultime qu'on ne pourra pas surpasser tant il est conscient d'être ce qu'il est (un remake sans originalité), et tant il se croit pertinent dans la pseudo-leçon de cinéma qu'il lance au reste du genre. Sa reprise de la fin de Scream résume à elle-seule le principal problème de Scream 4 : il croit qu'en faisant plus, on fait mieux, sans se douter qu'il en a beaucoup trop fait.


Wes, t'as oublié la mise en garde de Williamson concernant les remakes : on déconne pas avec l'original.

FloBerne

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