L'immensité désertique et belle des plaines du Yorkshire, les multiples travaux de la ferme, le handicap du père, tout ceci suffit à peine à contenir la monstrueuse rage résignée et glacialement muette de John, jeune homme rustre, qui décharge littéralement sa souffrance lors de rencontres sexuelles rapides et sans lendemain ainsi que dans l'alcool, qui lui tord pratiquement tous les matins les boyaux dans et devant la petite ferme familiale.
Les vaches, les moutons, les brebis, les clôtures à surveiller, les vétustes bâtiments à rapetasser continuellement...
Le père décide d'embaucher un ouvrier. C'est Gheorghe, un roumain du même âge que John, qui est choisi, à l'insu de John le taiseux, qui l'accueille très mal.
Qui le regarde de travers, qui va mieux le regarder, de plus en plus près et tout va déraper.
Gheorghe, aussi brun et ténébreux que John est blond et imberbe, aussi doux et expérimenté que le jeune fermier anglais est frustre, brutal et radical.
Ainsi commence l'initiation de l'un à ce comté sauvage et époustouflant de beauté et l'autre à ce qui lui a toujours manqué : Les gestes tendres.
Les deux acteurs, Josh O'Connor et Alec Secareanu sont très à l'aise dans leur rôle respectif, parfaitement intégrés à cette nature rebelle et sans concession, malmenant gens et bêtes (quelques séquences douloureuses pour moi !), accompagnés par Gemma Jones, grand-mère silencieuse et dure, et surtout Ian Hart, le père à bout de forces, à bout de souffle, terrassé par un AVC qui l'a laissé immobile et coléreux au milieu d'un espace fluctuant...
C'est limpide, simple et porté par l'amour qui passe surtout par les regards et les gestes furtifs.
C'est rythmé par la vie des hommes et des animaux, des vaches en passant par les insectes, la course joyeuse et froide des ruisseaux dans les champs, les nuages qui roulent dans un ciel sans fin et ressemblent aux pierres granitiques où se s'abritent et se lovent les êtres fragiles que sont les hommes...
Film intimiste et superbement maîtrisé par Francis Lee, c'est un voyage au pays où, malgré la rudesse de la vie, la tolérance est présente.

Elisariel
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le 1 mai 2018

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