Après une escapade américaine, Godzilla revient sur ses terres natales, au Japon, dans une version moins tapageuse que le Godzilla Final Wars de Kitamura. Cette version adopte un point de vue original : comment serait traitée, par les structures politiques et organisationnelles actuelles, un désastre provoqué par l'arrivée d'une créature géante ? Tout y est décrit ici avec une précision maniaque, exhibant une organisation "à la japonaise" sans faille, finalement froide et distante par rapport aux événements complètement extravagants se déroulant sous ses yeux.
Et qui d'autre que Hideaki Anno pouvait accoucher d'un tel fantasme d'Otaku ? Selon l'excellent "Piffcast", Shin Godzilla est un "bureaucratie-porn", et cette définition est particulièrement bien trouvée. La filiation évidente avec Evangelion traduit les obsessions de l'auteur pour le moindre détail, la moindre action, rendant le film assez difficile à suivre pour qui n'a pas une connaissance parfaite de la manière d'être des japonais et de leur sens de la hiérarchie. Ici, l'approche de la situation est pragmatique et exhaustive : considérations politiques nationales et internationales, organisations militaires et urbaines, mais aussi biologie atypique du monstre : Godzilla est une aberration atomique vivante, son apparence et son comportement dans le film sont complètement en phase avec cette constatation. Signalons d'ailleurs que les FX sont impressionnants : les déluges et catastrophes que l'on y voit font inévitablement penser aux images d'actualités pendant le drame de Fukushima, accentuant encore l'aspect cathartique du film.
Globalement, c'est donc un film qui raconte une gestion de crise à la japonaise, comme pour affirmer leur maitrise de ce type de situation. Les références socio-culturelles sont très nombreuses, rendant le film assez peu accessible à un public non initié. Les chances de le voir en France sont donc maigres, voire nulles. Mais pour qui est sensible au genre du Kaiju Eiga, c'est un film indispensable, sans doute un des plus novateurs et impressionnant de ces dernières années, signalant du même coup que Anno a encore bien des choses à dire.