"Hi, Lloyd.



Jack jette un coup d’œil rapide sur la salle complètement déserte puis se tourne vers le barman:



-Little slow tonight, isn't it? HA-HA-HA-HA!



-Yes, it is, Mr Torrance, confirme Lloyd appuyé contre la glace, les mains croisées devant lui.
Il s'approche du comptoir et demande:



-What will it be ?



-I'm awfully glad you asked me that, Lloyd...

Because I just happen to have two twentys and two tens right here in my wallet...

And I was afraid there were gonna be there until next April ! So, here's what:
You slip me a bottle of bourbon, a cool glass and some ice...
You can do that, can't you, Lloyd?
You're not too busy, are you ?, lui lance ironiquement un Jack surexcité.



-No Sir ! I'm not busy at all, répond le barman en le fixant.



-Good man ! You set them up...and I'll knock them back, one by one !, lui assure Jack sur un ton goguenard.



Puis il ajoute nonchalamment:



-White man's burden,Lloyd, my man...White man's burden..."



Il sort son portefeuille, l'ouvre et constate amèrement que celui-ci est vide. Il lève son regard vers le barman et dit:



"Say Lloyd...it seems I'm temporarily light.



Il rit nerveusement puis poursuit:



-How's my credit in this joint, anyway ?"



Lloyd -toujours imperturbable- lui répond:



-Your credit's fine, Mr Torrance.



Jack rempoche son porte-feuille et sourit:



-That's swell ! I like you, Lloyd ! I always liked you. You were always the best of them. Best goddamned bartender from Timbuktu to Portland, Maine... Or Portland, Oregon, for that matter.



-Thank you for saying so ! lui dit Lloyd en inclinant légèrement la tête.



Jack lève son verre vers Lloyd et déclare:



-Here's to five miserable months on the wagon...and all the irreparable harm it has caused me.



Il observe le bourbon quelques secondes puis l'engloutit d'un trait.
Reposant son verre sur le comptoir, ses yeux semblent ailleurs pendant un bref temps, comme s'il venait d'avoir une Révélation.
Puis d'un air satisfait, il fixe le barman.



Celui-ci rompt alors le silence:



"How are things going, Mr. Torrance ?



-Things could be better, Lloyd... Things could be a whole lot better !



-I hope it's nothing serious, lui demande le barman d'un air poliment inquiet.



-Noo...souffle Jack en tapotant avec insistance son verre. Lloyd comprend son geste et lui sert un autre bourbon. Puis Jack continue:



"Nothing serious. Just a little problem with... the old sperm bank
upstairs. Nothing I can't handle, tough, ajoute t-il d'un air rassurant. "Thanks" finit-il avant d'entamer son deuxième verre.



"Women..! lance Lloyd en le fixant droit dans les yeux.
"Can't live with them...can't live without them !"



-Words of wisdom, Lloyd ! le félicite Jack en le pointant du doigt. "Words of...wisdom !"



Jouant avec les glaçons dans son verre, Jack lève son regard vers le barman, puis dit d'un air contrit:



"I never laid a hand on him, goddamn it ! I didn't..."



Jack pose ses mains sur le comptoir puis reprend son monologue:



"I wouldn't touch one hair of his goddamn little head...I love the
little son of the bitch ! I'd do anything for him, continue t-il en
élevant la voix.

"Anything fucking thing for him", appuie t-il en faisant un geste vague de la main.



Lloyd le fixe toujours d'un air impénétrable.



"But that bitch..! As long as I live, she'll never let me forget what happened..."



Jack s'interrompt puis tourne la tête pour voir si personne d'autre n'écoute ses dires. Une fois rassuré, il prend un air penaud, soupire puis lâche à regret:



"I did hurt him once, okay ? It was an accident..., se justifie t-il devant Lloyd.
Completly unintentional ! It could have happened to anybody.



Il claque sa main par deux fois sur le comptoir pour appuyer ses mots.



"And it was three goddamn years ago !", s'emporte t-il soudainement.
"The little fucker had thrown all my papers all over the floor. All I tried to do was pull him up !
, dit-il avec véhémence en mimant la scène.



"A momentary loss of muscular coordination", continue t-il en baissant le ton.



"I mean..."



Il rapproche son index de son pouce jusqu'à ce qu'ils se touchent:



"...a few extra foot-pounds of energy...per second. Per second !"



Il claque ses doigts puis jette sa main gauche ouverte sur le côté, pour faire comprendre ce qu'il s'était alors passé.



Cette scène se passe au bar de la Gold Room, où Jack Torrance vient de basculer dans la folie.
En effet, Lloyd n'a jamais été en sa présence depuis le début de la discussion .
Jack se faisait lui-même la conversation et n'a donc pas bu quoi que ce soit, puisque l'Overlook ne contient aucune substance alcoolisée en son sein.
Torrance est donc déjà de l'autre côté, là où l'hôtel en tant qu'entité, existe. Jack est sous l'emprise des vagues du passé et a franchi le point de non-retour.


De cette unique scène, nous retiendrons que Jack Torrance vit avec le poids de la culpabilité de son acte envers son fils, causé par ce même alcool -bien qu'onirique dans ce cas- qui lui a coûté bien plus que la rancœur de son épouse. Il a perdu sa propre dignité après cet acte impulsif et n'arrive pas à s'en dépêtrer.
Du coup, il en rejette la faute sur Wendy qui pourtant, ne lui en veut même plus depuis tout ce temps.
De ce fait, l'hôtel et ses réminiscences maléfiques vont s'en faire l'aiguillon qui viendra titiller l'esprit faible de Jack, le poussant jusqu'aux derniers retranchements.


The Shining est donc d'abord une étude psychologique sur un homme blessé moralement, qui est incapable de faire face à son for intérieur et finira sous le joug des forces de l'Overlook.
C'est ici que s'opère la scission avec le roman de King, car le film de Kubrick ne se focalise pas sur le don de Danny mais sur la faiblesse du psychisme de son père.
Par extension, The Shining pourrait aussi être une parabole sur le dysfonctionnement familial, mais avec comme déclencheur principal la psychologie de la figure paternelle.


Tout le reste n'est que décorum (les apparitions des jumelles,des invités ou autres) pour appuyer les projections mentales de Jack, via l'Overlook et son passé mouvementé.
Du moins, c'est ce que j'en retire personnellement...


Malgré tout, les "annexes" citées ci-dessus sont redoutables d'efficacité, tout comme le labyrinthe (mental et physique) où tout prendra fin.


A ce titre, la scène où Jack se penche sur la maquette dudit labyrinthe et la scène suivante montrant Wendy et Danny en son sein (filmé depuis le haut d'un bâtiment) est caractéristique de l'étude psychologique voulue par Kubrick.
Du grand art !


The Shining est donc une plongée dans les méandres d'un cerveau malade, agrémentée de quelques touches horrifiques un peu facile (le sang qui surgit de l'ascenseur, les visions fantomatiques...), mais qui parviennent à hisser ce film au-delà de son concept de départ.


Ajoutez-y des acteurs excellents (mention spéciale à Nicholson, bien sûr), une B.O inoubliable (le Dies Irae revu par Wendy Carlos surpasse l'original de Berlioz par son ton lugubre), une réalisation géniale, des décors incroyables et vous obtenez l'un des films les plus maitrisés de l'histoire du cinéma !

Franck_Plissken
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le 13 sept. 2017

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The Lizard King

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