Il n'est un secret pour personne que, Denis Villeneuve est une valeur montante, l'un des cinéastes les plus doués de sa génération. Au début de sa carrière, on pouvait voir en lui, un cinéaste québécois prometteur, spécialisé dans le film d'auteur. Maintenant, qu'il a quitté son pays natal pour Hollywood, on peut dire qu'il a changé de statut. Il a pris une autre dimension, s'attaquant sans vergogne aux films de genres. A ce propos, c'est avec un enthousiasme certain, que j'attends l'un de ses prochains projets, la suite de mon film préféré de tous les temps (à savoir Blade Runner). D'ici là, on a le temps de le voir venir, donc revenons à la critique du jour.


Ce long-métrage adopte le point de vue d'une jeune agent du FBI, qui après avoir effectué une intervention non sans conséquence dans les pertes humaines, se porte volontaire pour une opération d'un tout autre niveau, au sein d'un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement. Tout ceci afin de stopper les agissements du chef du cartel de Juarez.


Le premier élément que je trouve pertinent dans le scénario, mais qui a fait et qui fera grincer des dents certaines personnes; c'est d'adopter pleinement le point de vue de cette nouvelle recrue idéaliste, à qui on ne révèle pas tout. Elle est intégrée dans l'équipe, sans vraiment l'être: on lui distille les infos au compte-gouttes. Durant l'opération, elle n'est pas passive pour autant, mais le sentiment de confusion est prédominant chez elle, alors que ses nouveaux collègues savent très bien dans quel bourbier ils ont mis les pieds. Sans compter leurs procédés expéditifs qu'elle réprouve... J'ai apprécié ce parti pris, c'est très immersif, on découvre des choses au fur et à mesure. A travers le regard paumé de ce personnage déterminé, j'ai surtout eu la sensation d'être dans les coulisses d'une mission à grande envergure, où la notion du bien et du mal est totalement floue.


Le casting du film est de grande qualité, que ce soit dans les rôles les plus consistants ou dans les plus bénins, les acteurs sont parfaits. Emily Blunt, Josh Brolin, Maximiliano Hernandez, Daniel Kaluuya, etc... Il n'y a rien à dire, ils sont tous excellents, mais il faut admettre qu'il y en a un qui est au-dessus de la mêlée, c'est évidemment Benicio Del Toro. En plus de livrer une prestation impressionnante de justesse, il a le chic d'incarner un protagoniste fascinant et diablement charismatique. Au final, on sait peu de choses sur lui, mais on comprend sans mal pourquoi il fait parti de l'équipe, ainsi que ses motivations et ses méthodes peu académiques. Rien que pour lui, le film mérite le déplacement.


Pour ce qui est de la mise en scène de Sicario, je me suis régalé. Villeneuve filme le tout avec classe et élégance (les plans aériens sont somptueux). Les paysages, les personnages, et l'action, il sait tout mettre en boite avec brio. D'ailleurs, ce qui m'a le plus agréablement surpris (outre d'avoir fait de la ville de Juarez, un personnage à part entière), c'est l'ambiance mortifère qui parcourt ce long-métrage. Le cinéaste , bien aidé par une composition musicale assez anxiogène, enchaine les séquences tendues qui prennent aux tripes. On a parfois l'impression de regarder un film d'horreur, tant les montées en pression sont perturbantes. Ce n'est pas de la violence graphique dont il est question, même si l'oeuvre reste véhémente, le malaise est essentiellement dû à une tonalité grave, voire sinistre.


Si c'est très chiadé visuellement parlant, c'est grâce aussi au chef opérateur Roger Deakins, ce dernier nous montre une nouvelle fois l'étendu de son talent. Notamment et surtout lors des scènes "entre chien et loup". Ceci dit, j'ai un bémol à l'égard du passage filmé en vision nocturne, c'est strictement personnel, mais je trouve le rendu pas très cinégénique, et ce dans n'importe quel film... Fort heureusement, la séquence ne dure pas bien longtemps (cinq minutes, à tout casser).


Pour conclure, je dirai que Sicario arrive à retranscrire un cinoche burné, tout en accordant une certaine sophistication à l'ensemble. J'aime les amalgames, et d'autant plus quand c'est ce genre d'ingrédients qui donnent un tel résultat.

Jubileus
9
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le 12 oct. 2015

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Jubileus

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