Silent Voice
7.4
Silent Voice

Long-métrage d'animation de Naoko Yamada (2016)

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Ishida est un garçon est un peu turbulent, populaire, qui aime bien faire le pitre en classe et attirer l’attention. Nishimiya, une nouvelle fille, arrive à l’école. Seul problème : elle est sourde. Un handicap difficile à comprendre pour le jeune garçon, pour qui communiquer devient dès lors difficile et requiert un effort supplémentaire. Il n’est pas le seul à réagir ainsi, et d’autres élèves ne tardent pas à ressentir un certain agacement envers la nouvelle arrivée. Ne pourrait-elle pas faire un peu plus d’efforts pour s’exprimer ? Ishida réagit alors comme il sait le mieux faire, en faisant le clown et en faisant rire toute la classe. Malgré ses meilleures volontés, Nishimiya devient peu à peu exclu, les moqueries deviennent de plus en plus fréquentes, voire violentes. Jusqu’à la blague qui va trop loin qui entraîne le départ de Nishimiya … Perçu comme une brute, Ishida voit ses anciens amis se retourner contre lui et devient à son tour le harcelé. Des années plus tard, au collège, il recroise par hasard la jeune fille et décide de se faire pardonner pour ses actions passées…


Le thème du harcèlement est bien développé. On voit ainsi les coupables qui n’ont pas conscience de la portée de leurs actes, mais aussi ceux qui encouragent ou se contentent de rigoler, en se défendant ensuite d’avoir mal agi, et même les autres, qui pensaient être irréprochables, mais qui étaient restés sans rien faire devant ce qu’il se passait.
Mais un autre thème grave est également abordé : le suicide. Pour Nishimiya, la jeune sourde, il est en effet bien difficile de s’accepter malgré son handicap, surtout quand elle est ainsi rejetée par les autres. Un refus de s’accepter qui se mue peu à peu en dégoût de soi, et en dégoût de la vie… Pour Ishida également, le rejet, la solitude de plus en plus grande, et la culpabilité sont devenus très pesantes sur ses jeunes épaules. Depuis le terrible jour où a tout basculé, il reste renfermé sans oser se lier à quiconque, ni même croiser le regard des autres… Un rejet habilement montré dans le film par des croix sur le visage des autres élèves, qui peu à peu tombent par terre lorsqu’Ishida décide de s’ouvrir.
Devant pareille souffrance, même toute l’attention de leurs proches familles s’avère impuissante, et ces personnes sont trop profondément plongées dans leurs abîmes de désespoir pour saisir la portée de leurs actes sur leurs proches.


Dans sa décision de réparer ses erreurs auprès de Nishimiya, Ishida va de nouer de nouvelles relations. Avec de nouvelles connaissances, qui ignorent tout de son passé, mais aussi avec des anciennes relations, malgré le passé délicat qui les unit. Un groupe de personnes insolites se forme alors, entre un garçon un peu exubérant à l’amitié envahissante et une fille garçon manquée aux tendances rebelles, des moments qui ne manqueront parfois pas d’humour. Un humour qui compense la gravité des sujets abordés, et nous incite à relativiser, nous rappeler l’importance de rire et plus généralement de profiter de la vie.
Des aller-retours dans le présent et le passé permettent de mieux comprendre les relations entre les personnages.


Au-delà des sujets gravés mentionnés, il est donc surtout question de relation à autrui mais aussi d’appréciation de soi dans ce film. Chaque personne qui gravite autour des deux personnages principaux a son lot de défauts : Sahara, l’ancienne amie de Nishimiya, éprouve un important manque de confiance en elle ; Yuzuru sa sœur s’inquiète tellement pour elle qu’elle s’oublie elle-même ; Kawai qui fréquentait la même école, bien qu’animée de bonnes intentions, ne cherche pas à se remettre en question ; Ueno a un côté agressif qui complique bien souvent les relations qu’elle a envie de nouer. La morale de l’histoire, exprimée par l’un des personnages : « chacun a ses défauts, l’important est de les accepter et d’aller de l’avant ». Une phrase qui peut sembler banale mais qui n’est pas facile à appliquer… Renfermé, le regard tourné vers ses propres sources de souffrance, il est facile de méconnaître celle des autres et d’exacerber la sienne.


Tout ce monde se côtoie donc, se rapproche et s’éloigne à nouveau, alors que Ishida et Nishimiya tentent de nouer une nouvelle relation sur de meilleures bases, tout en réglant leurs propres problèmes respectifs.
Une relation qui est loin d’être simple. Ishida se demande s’il aspire sincèrement à l’aider, ou s’il veut seulement nettoyer sa conscience. Tandis que Nishimiya ressent des émotions qu’elle est incapable d’exprimer. Les deux jeunes gens parviendront-ils à se rapprocher malgré la barrière de la communication, le poids du passé, et retrouver mutuellement goût à la vie ?


On pourrait reprocher certains actes qui ne semblent, parfois, pas toujours compréhensibles ou certaines situations pas toujours crédibles. Mais on pourrait considérer qu’il en va des films comme des personnes, avec leurs défauts, et comme dans le film qu’il faut savoir accepter, pour profiter des qualités qu’ils ont à revendre.


« Silent voice » nous fait à la fois espérer la guérison et craindre une issue tragique. Il aborde des sujets éminemment graves, tout en ajoutant plusieurs moments de légèreté bienvenue. Pas de fantastique comme c’est souvent le cas dans les films d’animation asiatique, mais le film n’en est pas moins magnifique, empli d’émotions, et décrivant avec pertinence et justesse l’être humain, dans ses rapports à l’autre, et la difficile et longue quête de l’appréciation de soi.
Un film qui nous incite à se détacher de nos atermoiements, et à s’ouvrir au monde.

Enlak
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le 18 mars 2019

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