Toujours aussi populaire avec le temps, remis au goût du jour avec le succès monstrueux de Ça, Stephen King est de nouveau adapté à la pelle. Plutôt deux fois qu’une même. Puisque après une première version datant de 1989, Simetierre revient pour une seconde fois au cinéma. Pour le pire et pour le pire ?
Rarement un romancier aura vu autant de ses œuvres portées sur grand écran que Stephen King. S’il lui est arrivé de mettre la main à la pâte, comme pour la première version de Simetierre, dont il signa le scénario, l’auteur aura souvent laissé le champ libre aux autres. A des collaborateurs réguliers et soigneux, proches de son travail, comme Frank Darabont. A des génies qui n’ont pas hésité à lui faire quelques infidélités pour me transcender le matériau d’origine, tel Stanley Kubrick. Reste que dans le flot de toutes ces adaptations, une bonne quarantaine au bas mot, on compte plus d’étrons filmiques que de chefs-d’oeuvre… Ainsi la première version de Simetierre ne rentre dans aucune de ces catégories. Pour certains c’est un film fidèle, qui se tient encore bien 30 ans plus tard. Pour d’autres, c’est un film raté autant que kitsch. Il faut dire qu’on ne rigole pas avec Simetierre, puisque de l’aveu du King lui-même, c’est l’un de ses écrits les plus sombres et traumatisants, à tel point que dans un premier temps, l’auteur ne voulait pas le publier.
La famille Creed quitte Boston pour le Maine et sa région rurale. Très vite, Louis (Jason Clarke), le patriarche, découvre derrière son terrain un sentier menant vers un mystérieux cimetière au fond des bois. Un cimetière où des enfants viennent enterrer leurs animaux depuis des décennies selon son vieux voisin Jud Crandall (John Lithgow). Mais le vieil homme ne dit pas tout, et de plus puissantes forces maléfiques se cachent au fin fond de la forêt. Des forces que Louis ne tardera pas à réveiller lorsqu’une tragédie s’abattra sur les siens.
Même si un roman n’est jamais adaptable à 100 %, il est toujours difficile de comprendre pourquoi des scénaristes tiennent tant à s’éloigner de ce qui faisait l’essence même de l’histoire qu’ils veulent raconter (coucou Walking Dead). Alors certes, des changements peuvent s’avérer bénéfique, quand l’oeuvre en question est trop ample, comme Le Seigneur des Anneaux ou Le Trône de Fer. Mais charcuter un roman de Stephen King (plus de 600 pages pour Simetierre) pour le réduire à un film formaté en 90 minutes… ce n’est pas la même chose. Car derrière l’histoire, sinistre, chaque roman du King est avant tout un drame humain. Un drame qui se dessine dans une ambiance lugubre, aux situations dérangeantes et malsaines où la plume de l’auteur fait merveille. L’horreur oui, à une forme alors bien particulière, qui tranche avec n’importe quel autre spectacle du genre. Donc ce qui fait sa force et son charme !
Dans les mains des réalisateurs Kevin Kölsch et Dennis Widmyer, Simetierre ne devient donc qu’un énième film de trouille. Alors que l’intrigue de base prend son temps et s’étale sur des mois, on a l’impression que celle du film est plié en l’espace de quelques jours. Si un travail méticuleux est fait au niveau des décors et de la direction artistique, le script édulcore bien trop le roman, enchaînant les situations trop vite, sans que les personnages aient le temps d’exister. A l’image du pauvre Jason Clarke, acteur solide, mais qui semble totalement à côté de ses pompes. On passera sur tout ce que le film sacrifie, comme d’éliminer certains personnages secondaires, de faire une ellipse sur la relation entre Louis et Jud, sans oublier de limite faire passer le voisin pour un vieux fou. Peu subtile, le film ne ressort que les éléments les plus glauques ou effrayants (les camions) du roman pour les banaliser en vulgaires jump scare qu’on grille à des kilomètres. Une déception qui s’accrue jusqu’au final, totalement changé, et qui ne s’avère même pas payant tant il fait perdre toute valeur à cette réflexion sur la mort et à l’incapacité de faire le deuil qui terrasse littéralement le personnage de Lou Creed.
Ticket ou Télé ? Télé, lorsqu’il passera un soir sur M6. En attendant, ressortez le bouquin de votre bibliothèque et dévorez le une nouvelle fois.
Simetierre souffre du syndrome Ça (en pire), à savoir échouer à retranscrire avec fidélité (et quitte à déranger donc) l’oeuvre de Stephen King. D’une histoire sombre et malsaine sur la mort et le deuil, Simetierre se transforme trop vite en vulgaire film d’horreur lambda, perdant au passage tout ce qui pouvait le singulariser. Malgré un travail qui se veut fidèle et respectueux, notamment dans les décors, le film ne remporte jamais le pari des changements qu’il a opéré, désacralisant même la puissance de la conclusion du roman. Ne reste plus qu’à se consoler avec un chat plutôt bien retors.
Entrez une description du lien ici