Et bé, ça faisait longtemps que je n'avais pas regardé une telle purge. Skate or Die, ou comment prouver qu'il est possible de tout rater dans un film.
Ce qui agresse en premier lieu le spectateur, c'est la laideur de la réalisation, de la photo et du montage (casdédi à Miguel Courtois, le grand responsable de la manœuvre). La majorité des plans semble zoomer, avec un grain dégueulasse (j'ai même douté d'un problème technique sur le BR), ce qui donne un cadre oppressant et anxiogène. Le montage clipesque renforce d'autant l'illisibilité de certaines scènes que c'en devient souvent une torture visuelle, jusqu'à frôler l'art lorsque le monteur décide d'ajouter à sa bouillie des effets ringards imbitables (filtre noir et blanc, superposition de plans, etc.) et de prendre en otage la bande-son pour la forcer à suivre ses errances créatrices.
Difficile dans ces conditions de réussir à valoriser les rares plans de skating, un comble pour un film qui mise tout sur ses 2 champions, quitte à sacrifier leur talent d'acteur (version je ne connais aucune variation émotionnelle que je sois en train de fumer un pétard, de dénoncer un triple homicide, de manquer d'être tué ou de me lamenter sur un proche mourant). A ce sujet, on sent une volonté de limiter les risques en donnant très peu de dialogue aux compères (même techniques avec les méchants, dont Passi qui malgré une présence continue à l'écran n'a qu'une seule scène de texte). Par contre, reconnaissons l'honnêteté de la jaquette qui montre nos héros en train d'accomplir la performance la plus employée du film : regarder par dessus son épaule que ses poursuivants sont toujours là.
En effet, tout à sa tentative de vendre de la coolitude à son public espéré, Skate or Die ne s'embarrasse pas d'un scénario trop encombrant et se contente d'une course-poursuite interminable entre les 2 skaters et un trio de flics ripous qui tentent de les abattre en plein air au vu et au su de tous, sans cesse relancée par d'improbables retrouvailles au hasard d'une rue (c'est petit Paris en fait). Aucune caractérisation des personnages pour accompagner cette feuille de PQ scénaristique (on ne sait strictement rien des personnages que l'on suit). Bon, c'est pas non plus un procédé nouveau et même que parfois ça marche (Mad Max Fury Road pour peu qu' évoquer ce chef d'oeuvre en même temps que Skate or Die n'entraine pas une destruction de l'univers). Mais évidemment, là, non.
Et si la première demi-heure est suffisamment convenue pour que le public se contente de râler sur la nullité de la réalisation, le point de rupture finit par arriver lors du sound system wagga mouffine dans un entrepôt désaffecté géant du XXème arrondissement, où tous les vas-nus pieds cosmopolites du coin trémoussent leur booty tandis que la parraine de Harlem, version espagnole, gère son bizness dans ses locaux (elle a 10 pieds de beuh, ça rigole plus). Quand par intuition "je nique la logique", les ripous se pointent, que tous les lascars sortent leurs calibres (hein quoi ?) et que Miguel Courtois se prend pour un grand réalisateur de gunfights à l'américaine, la suspension d'incrédulité, déjà bien meurtrie, crie grâce d'être souillée par tous ses orifices. La suite n'est plus qu'une série d'idioties confondantes (comprenant un moche moche moche saut de l'ange en skate), jusqu'à une conclusion interminable et un point final profondément débile et inutile.
J'entends bien la question que vous vous posez : nanar ou pas ? Question délicate et réponse tout autant : je dirais plutôt on car on ne se marre pas vraiment, on est surtout dans l'effondrement consterné de tronche dans le canapé en espérant ne pas avoir vu ce qu'on vient malheureusement de voir. Mais dans son échec parfait qui vire à la fascination, Skate or Die peut tout de même contenter des spectateurs tordus qui pourraient vouloir se rappeler par contraste pourquoi le cinéma de qualité, c'est bien.
Le casting du film offre quelques anecdotes notables (la 3ème va vous étonner) : on y trouve Rachida Brakni (l'épouse de Eric Cantona) et Elsa Pataky (épouse de Chris Hemsworthe mais aussi actrice récurrente de la saga Fast and Furious ; l'histoire de dit pas si avoir survécu à un tel crash artistique l'a aidée à décocher son rôle). Et dans les seconds voire troisièmes rôles, on aperçoit Vincent Desagnat (dans une séquence très vaguement humoristique qui tranche avec tout le reste), Nicolas "Bohort" Gabion, Antoine du Merle (la gamin des 3 Frères) et Jean-Guy Fechner (un Charlot).