Faut-il regarder un bon film ou un mauvais film dans un avion ?


C’est subjectif, mais ma petite âme de cinéphile du dimanche n'a pas supporté l’idée de passer à côté d’un bon film juste parce que je le regarde dans un format charcuté sur un écran de 8 pouces, avec une sortie audio qui déconne et sans cesse interrompu par les annonces et les turbulences.


Donc du coup, j’ai regardé Skyscraper.


J’ai compris le film comme un croisement entre Jurassic Park et Piège de Cristal (je n’ai pas vu The Towering Inferno). D’un côté, on a l’histoire d’un richissime entrepreneur excentrique qui crée un lieu à nul autre pareil. Le lieu est tellement hors normes qu’il a besoin de le faire valider par un expert extérieur avant de l’ouvrir au public. De l’autre, on a un groupe de terroristes qui prend le contrôle d’un building. Manque de pot pour eux ils ont pris en otage la femme d’un super-flic, qui va aller casser des têtes et déjouer des pronostiques lourdement en sa défaveur.


Là où le bât blesse, c’est que ces deux histoires ont des thématiques différentes qui ne s’apportent rien l’un l’autre, voire sont antithétiques. Le côté Jurassic Park parle de l’orgueil de l’homme face à des forces qui le dépassent —la nature, dieu, etc—, un orgueil qui causera sa perte. C’est d’autant plus transparent dans Skyscraper car il s’agit ni plus ni moins que de la tour de Babel, référencée d'ailleurs au début. Le côté Piège de Cristal est l’histoire d’un homme qui surmonte l’insurmontable. Si les deux parlent de survie en environnement hostile, dans le premier cas l’homme prend une leçon d’humilité, dans le second il triomphe. Rien à voir, donc.


Du coup, de quel côté penche Skyscraper ? Le magnat chinois veut reconstruire, on est donc résolument de celui de Die Hard. Sauf qu’il se trimballe toute l’histoire de la tour en feu comme une sorte de grosse verrue scénaristique. Un vrai poids mort qui n’est là que pour essayer de faire du gigantisme et des scènes d’action supplémentaires en nous faisant croire que le film y gagne une personnalité.


Je dis bien en "nous faisant croire", car de personnalité, point de trace ici. Le réalisateur, Rawson Marshall Thurber (qui vient de la comédie avec entre autres We’re the Millers, 2013) est un faiseur qui nous a pondu un produit sans âme ni intérêt visuel. Seules une ou deux scènes donnent un sentiment de vertige. L’histoire en plus d’être thématiquement aux fraises, a été écrite avec les pieds par ce même gus—sérieux, c’est quoi l'intérêt de la Perle ?! Et cette histoire de transactions financières dont tout le monde se fiche...—, tout comme les dialogues qui sont souvent affligeants. Et on ne parlera pas des personnages, qui manquent tellement de profondeur qu’on se croirait dans un dessin animé —comment on passe des forces spéciales à expert dans le bâtiment, déjà ?—.


Le seul moment où j’ai entraperçu une idée originale fut quand on découvre que le héros est unijambiste. Las, il se bat comme un lion, court comme un gazelle, escalade comme un singe et saute comme un cabri… Qu’est ce que ça devait être avant… Honnêtement, je ne peux pas croire qu’ils aient essayé plus de 5 secondes de faire autre chose qu’un cash grab rapide.


C’est d’autant plus criant qu’encore une fois on a droit à un film avec une partie du cast chinois juste pour ouvrir un marché supplémentaire. Mais attention, le héros doit rester américain, même si la justification est bidon, au mieux. En parlant de ça, pourquoi se nomme-t-il "Sawyer" ? C'est pas anodin, comme nom de famille, mais je comprend pas.


Pour rester sur le sujet, Dwayne Johnson (William Sawyer, donc) est correct dans son rôle de prédilection (le bad-ass au grand coeur), mais ça va pas plus loin. Les autres acteurs vont du passable (Noah Taylor en traitre anecdotique mais que j’avais pas vu venir) au médiocre (à peu près tous les autres), et même jusqu’au franchement mauvais (Neve Campbell en milf de service pas crédible, et les gamins, encore et toujours les gamins).


Bref, Skyscraper est un film qui n’a même pas essayé d’être bon. Dans ce cas, je ne vais même pas essayer de le défendre. Marre d’être pris pour un imbécile.

Bastral
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le 24 janv. 2019

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