"Peinture de personnages à la dérive dans des situations difficilement compréhensibles par un public jeune", voici donc les raisons qui ont poussé la commission de classification des films à censurer, tout du moins demander à ce que soit interdit au moins de 16 ans, le premier film de la romancière australienne Julia Leigh. Beaucoup de bruit pour pas grand chose? En quelque sorte, tant l'opacité du propos ne risquait pas d'inciter les adolescents français à se précipiter dans les salles obscures pour voir les péripéties cliniques d'une poupée dormant avec de vieux messieurs impuissants.

Lucy (Emily Browning), jeune étudiante australienne, multiplie les petits boulots pour arrondir ses fins de mois difficiles: cobaye pour un laboratoire, serveuse, préposée à la photocopieuse, le tout dans une indifférence non feinte. Un jour, celle-ci répond à une annonce publiée dans le journal des étudiants de sa fac. Serveuse pour soirées très privées dans un premier temps, cette beauté unique, selon les propres mots de Clara sa mère-maquerelle post-moderne (Rachael Blake), va très rapidement se voir proposer le rôle de "belle endormie". Selon un rituel bien définie, après ingestion d'une tisane au vertu assommante, Lucy passera la nuit avec un client, avec nul souvenir au réveil, juste la promesse que son vagin restera "un temple inviolé"...

Premier long métrage de la romancière australienne Julia Leigh, Sleeping Beauty atteint partiellement ce que pouvait laisser entrevoir le potentiel de sa bande-annonce. Si le caractère glacial est esthétiquement un point fort du film, amplifié par le caractère déshumanisée des personnages, et en premier lieu la détachée Emily Browning, la réalisatrice écrivaine se perd étonnement dans une narration brouillonne, maladroitement verbeuse, à l'opposé de sa mise en scène minimaliste. Certains points restent en effet en suspend, à l'image de la relation qu'entretient son héroïne avec le dénommé Birdmann, nos deux asociaux jouent au faux couple dans le studio de ce dernier, mais leur désinvolture manque de subtilité, les tenants et aboutissants de cette relation asexuée étant qui plus est des plus flous.

Au contraire, le manque d'empathie que provoque l'insensibilité de Lucy apparaît comme une continuité, suite logique à sa mue en poupée de luxe. Or entre un panel de trois vieux impuissants: un verbeux platonique, un pervers et un gras, la déshumanisation du personnage principal aurait sans doute gagné en profondeur si Julia Leigh avait offert une plus grande place à la suggestion, voire même à l'abstraction, une troisième voie entre l'art clinique d'un David Cronenberg et le Stanley Kubrick de Eyes Wide Shut.

Sleeping Beauty, film intéressant aux thèmes mal exploités avec néanmoins une mention spéciale pour son actrice poupée.
Claire-Magenta
6
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le 30 janv. 2013

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Claire Magenta

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