"Snake Eyes" fait partie de ces films de Brian De Palma qui départagent clairement les fans du maître des "autres"... Des "autres" qui trouveront la dernière partie du film poussive, l'interprétation de Nicolas Cage inutilement surchargée (rien d'inhabituel à ça, mais bon...), et tout un tas de défauts objectivement présents. Les fans - dont je suis - admireront l'un des films les plus théoriques de De Palma, les plus conceptuellement aboutis : ici, le film entier est contenu dans les dix premières minutes, dans ce (faux) plan séquence dément qui ouvre le film, et sur lequel De Palma reviendra à plusieurs reprises, via des flashbacks virtuoses qui démontreront que, derrière ce qu'on a cru voir, il y avait une réalité bien différente. On connaît l'intérêt (l'obsession ?) de De Palma envers le thème de l'image qui "ment", on remarquera que, ici, il nous propose une version toute aussi manipulatrice, mais plus optimiste, de ces théories, puisque l'image est en fait détentrice de vérité, une vérité qu'elle révèlera à celui qui sait la regarder, ou mieux encore, qui sait reconnaître le regard le plus juste (coup de génie de cet œil flottant au dessus de la mêlée, permettant l'identification du véritable criminel derrière la mise en scène...). Oui, qu'importe si De Palma finit par se perdre un peu dans ce thriller qu'il avait voulu commercial et populaire - et qui fut un échec public -, il y a, pour notre plaisir, tellement d'idées brillantes dans "Snake Eyes" : le survol des chambres de l'hôtel, dévoilant la mise en scène du plateau de cinéma ; le climax final littéralement déboussolant avec la mise en abyme via la caméra de télévision, déréalisant l'action tout en dévoilant publiquement le coupable ; et bien sûr le dernier plan, clin d’œil ironique, confirmant que le rêve américain de richesse est construit littéralement sur des cadavres ! Et ce qu'il y a bien entendu de formidable avec De Palma, c'est que ses films théoriques ne s'usent pas à être fréquentés assidûment, ce qui en fait l'un des auteurs les plus pertinents pour une vidéothèque personnelle ! [Critique écrite en 2016]

EricDebarnot
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le 31 déc. 2016

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Eric BBYoda

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