Un train vaut mieux que deux tu l'auras
J'avais un a priori assez mitigé en allant voir ce film. M'étant laissé convaincre par trois de mes amis de nous offrir un voyage à bord, j'en suis finalement ressorti tout aussi mitigé, mais pour des raisons totalement différentes.
Avant la séance, je craignais d'être déçu par un énième blockbuster post-apocalyptique sans âme et sans identité visuelle. Snowpiercer m'a vite détrompé sur ce point: c'est esthétiquement réussi, bien filmé, avec une atmosphère glauque à souhait. Les scènes de combats sont notamment d'une belle intensité et dans l'ensemble lisibles, à l'exception d'une seule (ce qui est compréhensible car elle implique un grand nombre de belligérants). Les dialogues comme les acteurs sont plutôt bons, y compris Chris Evans qui est méconnaissable par rapport aux rôles auxquels il nous avait habitués. Sur le fond le périple de notre petit groupe de "queutards", à travers les différents wagons d'un train qui semble infini, constitue une haletante plongée au cœur d'une folie meurtrière toujours plus effarante, les cadavres s'accumulant au fil de la traversée. La monotonie ne s'installe pas grâce aux changements de décor effectués chaque fois que l'action passe d'une voiture à l'autre, et au final les deux heures que compte le film s'égrènent sans longueur.
Seulement voilà, tous ces points forts qui pourraient faire de Snowpiercer un très bon film se heurtent à une montagne d'invraisemblances et d'incohérences. Certaines d'entre elles sont flagrantes, d'autres apparaissent après coup, mais leur accumulation (surtout dans la deuxième moitié du film) nuisent sérieusement à l'ensemble. En voici quelques unes (ATTENTION SPOILER) :
Au début du film, l'air extérieur est tellement froid que le bras d'un homme se transforme littéralement en bloc de glace en quelques minutes. A la fin, on se balade dehors sans problème.
Le kronol (la drogue locale) est une substance hautement explosive, donc dangereuse pour la sécurité du train, et pourtant il en traîne des brouettes entières dans les wagons de classe supérieure.
Les drogués de l'avant du train voient passer une bande de queutards en cavale, et mettent une bonne demi-heure avant de se dire que peut-être il faudrait les empêcher d'atteindre la locomotive.
L'un des hommes de main du grand méchant est tellement increvable et insensible à la douleur que ça en devient presque ridicule.
FIN SPOILER
Et j'en passe et des meilleures... Ajoutons à cela que la fin est prévisible et un peu décevante, malgré un prechi-precha du grand méchant Ed Harris bien écrit mais lui aussi prévisible.
Au final Snowpiercer est pour moi loin d'être un mauvais film, mais il est miné par de trop nombreuses failles scénaristiques, peut-être excusées par le fait qu'il est adapté d'une bande dessinée. Restent une réalisation impeccable, et bon jeu d'acteurs et un divertissement tout à fait honnête; après tout, ce n'est pas tous les jours que sort un blockbuster qui se veut original et parvient au moins partiellement à l'être.