Une saga histoque traditionelle mais réussie

Histoire de commencer directement par me faire des ennemis, je pense que pas mal de critiques de ce site et même professionnels, quelle que soit leur appréciation final, sont tombés à côté des intentions de ce film en oubliant des faits simples et par méconnaissance de la culture chinois. je pense notamment dans leur notion la plus caricaturale des critiques féministes (occidentales) complètement hors sujet. D'autres y ont même vu une idéologie marquée alors que le film est relativement neutre et en phase avec le revirement politique actuel sur le sujet principal du film.
Au contraire, la force principal du film est de présenter une histoire forte sur le plan personnel/intime au sens large (groupe d'amis/famille) mais sur une toile de fond réaliste et pas ostensiblement engagée (pour rappel, le film est financé indirectement par le gouvernement). Ici, le contexte historique contextualise et appuie le drame personnel et non le contraire, ce qui en fait un film avec un fond et non simplement une forme


De fait, le film est relativement réaliste et respectueux de ce qui s'est passé sur le plan factuel. EN clair, il présente sans exagération et sans sortir de son cadre les conditions de cette période qui ont influé sur le vécu et les péripéties du film (ce qui fera sans doute chouiner celui qui attendait de voir un film qui dit que les communistes Chinois sont "méchants", ce qui n'est pas totalement faux mais vain prétentieux). So Long, My Son raconte la vie de deux parents après la mort de leur fils sur fond de politique d'enfant unique qui en sus condamne leurs espoirs de "combler" cette perte par le remplacement du fils. En effet, dès le début du film, on découvre que les parents ont adopté un second enfant qu'ils essaient désespérément de modeler à l'image de leur défunt fils. Pire, on apprend par la suite


que la mère a été obligée d'avorter, dénoncée par son amie qui regrettera toute sa vie même si elle n'avait pas d'autre choix


Et c'est là que le film devient intéressant : tantôt prise comme coupable, cette politique de l'enfant unique apparaît également comme une sorte d'excuse car au fond rien ne remplace un enfant même dix suivants.


Cette dualité sera un des noeuds de cette expérience essentiellement empathique qui repose également sur le jeu des culpabilités. Car - comme dit plus haut - le film tourne également sur la culpabilité que ressentiront nombre des personnages et dont seront accusés bien des instances et système ; mais là où le film est réussi, c'est qu'il aboutit finalement sur une conclusion réaliste et adulte : il y tant de variables qui sont entrées en jeu que finalement personne n'est vraiment coupable.


Ainsi, autour de l'imagerie autour du fait de surmonter sa peine, le film se joue aussi sur les relations entre un groupe d'amis, notamment des parents du fils né le même jour que le défunt enfant qui était presque son frère. Vivant, ce fils d'une famille qui traverse bien mieux les changements sociétaux d'une Chine en pleine mutation vers une économie de marché traditionnelle aurait pu être le symbole de l'"injustice" d'une famille qui reçoit davantage que l'autre qui a tout perdu. Et pourtant, les relations sont plus complexes et la conclusion (presque trop ?) exemplaire même si elle illustre bien le paradoxe fondamental entre la certaine mercantilisation des relations et l'idéal d'harmonie. A ce niveau, on retrouve une image idéalisée de la philosophie chinoise mélangée à une vision communiste. EN ce cens, ce film est typiquement Chinois et même brillamment modernité et tradition avec beaucoup de finesse et d'humanité.


Au delà du contexte, le film se concentre surtout sur les relations que sur les nœuds de l'intrigue (le final est connu, attendu, pas spectaculaire forcément). On "vit" avec les personnages qui jouent admirablement bien (même l'acteur de TF Boys à mon avis ^^) une histoire sur 40 ans avec leurs douleurs et les vicissitudes universelles de la vie (éloignement des amis puis rapprochement plus tard, chômage, adolescence, monde qui change rapidement, …) et chaque relance de l'intrigue, d'abord irritante je l'admet (on se dit "Encore ?!!") aboutit finalement à quelque chose.


Sur le plan de la forme, il faut noter que le film fait bien les choses et amène les retours en arrière LA OU ILS SONT UTILES du premier coup (il n'a pas besoin de version Revisited comme Alexandre). La scène la plus marquante à ce niveau est


la révélation sur le fait que les parents de Xingxing savaient déjà pour Haohao et que le père était venu leur proposer de tuer leur fils pour "rembourser"


qui arrive comme un coup de point au moment juste et avec la forme adéquate. AInsi, même sur la forme narrative, le film est relativement maîtrisé alors que le ballet des temps était délicat (bien sûr au début on se demande où on est).


Un très beau film donc, très simple mais portant sur des sujets qui parlent à tout le monde malgré le cadre historique passionnant, qui pèche tout de même par des personnages un peu trop idéalisés. Je n'attendais pas du tout une critique du pays, contrairement à beaucoup je laisse les autres gérer leur société, mais au moins à un peu plus d'ambivalence dans les personnages qui restent réalistes mais un peu trop "gentillets". Heureusement, la densité du film, le jeu, le sujet et l'a justesse admirable de l'ensemble en font au final une expérience touchante et éclairante. Comme quoi, les histoires simplets sans fioritures de forme mais avec beaucoup de finesse dans les détails et la sensibilité sont souvent les meilleurs contrairement à un Parasite excellent sur la forme mais assez superficiel sur ce plan. Peut-être que je ne reverrai pas ce film qui n'apporte pas non plus énormément sur le sujet, mais c'était un très beau moment. Merci.

Foulcher
8
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le 16 juil. 2019

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Foulcher

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