Parenthèse rhapsodique

Un mafieux et ses hommes, trahis par leur gang, se cachent provisoirement au bord de la plage. C'est à partir de ce scénario digne d'un thriller haletant que Takeshi Kitano signe un de ses films les plus poétiques. Bouleversant l'univers traditionnel des yakuzas, la retraite de ces mafieux japonais se transforme en échappée dans le jeu, la poésie, et l'amour. C'est l'occasion de redécouvrir sous un nouveau jour le pierre-feuille-ciseaux, les combats de Sumo en papier, et de revisiter le théâtre No. Même la roulette russe prend le visage d'un jeu d'enfant. Kitano l'acteur, alias Murakawa, chef de gang hanté par la mort, incarne un calme indéchiffrable, à l'image de la mer, toujours déjà là au fond des nombreux plans fixes. On nous impose un nouveau rythme. Kitano l'auteur renverse les temporalités, les codes du cinéma, les attentes du spectateur. Ce quatrième film de Takeshi Kitano nous confirme, après Scene at the Sea, que l'humoriste de l'émission de télé réalité, Beat Takeshi, a aussi une grande fraîcheur cinématographique et une grande finesse sensible. Pas besoin de nombreux dialogues, pas besoin de grands effets : on prends le temps, on contemple, et on rit. Pourtant, peut-on vraiment s'échapper ? Pas sûr. La violence vient s'échouer jusqu'à cette plage, où Murakawa veut tout oublier. Non, Sonatine n'étouffe pas la violence par une petite musique douce et illusoire. Sonatine prends la violence à bras le corps, à bras le cœur, à bras la caméra, et y introduit une parenthèse poétique avec une cruelle simplicité enfantine.