La mise en place d'un mythe doublée d'un spectacle familial saisissant...
Enfin ! J'aborde enfin un long-métrage en prises de vue réelles dans ma liste de critiques. Pas n'importe quel film, mais un long-métrage qui a contribué à la renaissance d'un genre dans le milieu cinématographique...
Ainsi, continuons notre cycle sur Spider-Man avec le véritable premier film sur le personnage. Projet qui a été longuement un long puzzle à rassembler pour la firme Marvel dans les années 90, la licence du "Spidey Guy" s'était vu passé entre différentes productions. Plusieurs cinéastes ont contribué à l'élaboration difficile de ce projet ; surtout un réalisateur aguicheur à l'époque nommé James Cameron s'était longtemps cassé les dents dessus pour faire valider sa vision du personnage face à des producteurs réticents. Mais le nom du cinéaste qui a réussi à transporter ce rêve sur grand écran est aussi intéressant qu'il fût à l'époque de son annonce surprenant : Sam Raimi, connu avant tout pour l'univers horrifico-loufoque de ses "Evil Dead".
Pourtant, la candidature de Raimi au poste du réalisateur d'un film de super-héros n'a rien d'étonnant quand on s'intéresse un peu plus à sa filmographie. Cinéaste expérimentateur, il a le talent rare de s'immiscer au cœur de plusieurs registres tout en y glissant subtilement ses marques d'affection. L'exemple le plus familier de sa filmographie avec un super-héros tel que Spider-Man est "Darkman", datant de 1990, à l'époque de la popularité de super-héros au cinéma, où il déclarait un amour sincère pour ces comics-books en insufflant à ce film d'antan une esthétique stylisée et exagérée digne des cases de B.D.
Dans ce premier film sur le Tisseur de toile, il part sur une même logique, c'est-à-dire de pousser la couleur à son paroxysme pour donner l'illusion d'un New York irréel, presque fantasmé, et de produire des plans stylisés de sorte à ce que le spectateur se retrouve dans une ambiance de B.D. colorée, très "pulp". Fan de ce super-héros, il donne grâce à ses voltiges grâce à une caméra qui se balade toujours près de lui. L'ensemble artistique du long-métrage est un feu d'artifice de couleurs irréalistes, propre à donner un spectacle purement visuel dans lequel le parti-pris du cinéaste arrive relativement à nous faire accepter de voir les tribulations d'un homme-araignée et les méfaits d'un homme malade déguisé en gobelin grimaçant. De cette esthétique, Sam Raimi en exploite tout le potentiel visuel nécessaire, même le plus criard, afin d'assurer un spectacle familial électrique qui sait enchaîner des poses iconiques bien senties à des combats formidablement mises en valeur par cette dynamique visuelle ambiante.
Au-delà de la générosité visuelle, "Spider-Man" est véritablement une oeuvre essentielle à la thématique du héros au cinéma, dans le sens où la quintessence de son histoire et de son potentiel est délivré avec assiduité par Sam Raimi. Des prémices aux chemins duellistes du super-héros en passant par ses aventures amoureuses à fleur de peau, le cinéaste de "Darkman" explore véritablement la problématique du héros tout en développant un univers explosif de couleurs, là où "Darkman" était de nature tragique malgré son cachet visuel débridé. Ainsi, dans ce premier volet, on suit le chemin psychologique de Peter Parker, un étudiant réservé, attachant et un brin maladroit qui se découvre des pouvoirs et des responsabilités qu'il devra assumer, dans le but d'honorer la mémoire de son oncle-père mort à la suite d'un manque de conduite égoïste de sa part. Raimi impose sa vision dans ce spectacle familial : celle de suivre l'évolution d'un enfant ordinaire qui porte en lui des pouvoirs extraordinaires au plein cœur du passage à l'âge adulte et au milieu d'enjeux dramatiques divers. Devant le héros, se trouve son opposant, qui n'est autre que le père froid de son meilleur ami qui souhaite s'incarner en figure paternelle à ses côtés, un brillant scientifique devenant un être malade d'esprit pour cause de réassurer une vie nouvelle qu'il a déjà perdue en entreprise. Cet Osborn s'incarne en Bouffon Vert, méchant charismatique et redoutable du tisseur qui peine à convaincre ici de manière visuelle. Aussi, si la première partie du film est exemplaire dans sa façon d'identifier aisément chaque protagoniste et de traiter leur psychologique de bonne manière sans alourdir l'intrigue principale, la deuxième partie se révèle bien plus classique dans le combat entre ces deux êtres surnaturels et n'évite pas certains écueils trop grossiers dans le manichéisme de base (les New-Yorkais qui viennent "sauver" le héros in extremis, la fille nourrissant le coeur du héros qui remplit un rôle superficiel de femme en détresse, etc.).
Malgré toutes ses maladresses, et même s'il apparait moins profond que "X-Men" sorti en 2000, il faut reconnaître à ce film une maîtrise miraculeuse du sujet par ce génial Sam Raimi et un équilibre entre divertissement haut en couleurs et une narration parfaite qui nourrit la thématique du héros par le prisme du passage encore inachevé mais bien entamé d'un enfant candide à un âge plus responsable. Rempli d'amour pour son personnage-titre, "Spider-Man" premier du nom est un modèle du genre du super-héros moderne au cinéma, dont le schéma narratif a été repris à maintes reprises, ce qui lui valut la place amplement méritée de pièce maîtresse du regain d'intérêt du grand public pour les supers-héros dans les années 2000 aux côtés de la saga X-Men, tant Sam Raimi est arrivé à concilier tous les publics en délivrant un festival de couleurs et d'acrobaties généreuses non sans une certaine profondeur et une vision toute personnelle de l'univers de base.
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