Voir ou revoir le Spider-man de Sam Raimi en 2016, c'est faire l'expérience d'une autre époque dans le film de super-héros ; une époque où, contrairement à aujourd'hui, la politique d’homogénéisation des studios Marvel (qui d'ailleurs n'existaient pas) n'avait pas encore pris le pas sur la variété des projets. En 2002, à l'annonce d'un projet de super-slip-flick, on ne savait pas à quoi s'attendre : on pouvait aussi bien se retrouver avec un film honteux (Catwoman, Daredevil), qu'un film audacieux et personnel (X-Men), ou un véritable OVNI (le Hulk d'Ang Lee), tandis que des films issus de comics plus confidentiels prenaient tout le monde par surprise (Blade 2). Une autre époque effectivement.


Et Spider-Man donc. L'interrogation était d'autant plus légitime à l'époque que :


1) le personnage avait toujours subi des adaptations pour le moins kitschouilles, la faute à un concept de base pour le moins compliqué à adapter en scènes live


2) le dernier projet cinématographique impliquant un personnage aussi populaire, c'était Batman & Robin de Schumacher, 5 ans auparavant ! (le X-Men de Bryan Singer a été tourné à peu près au même moment et est sorti quelques semaines plus tôt)


3) les comics de l'Araignée sortait d'une phase plus que contestée artistiquement et désastreuse commercialement : les années 90 !


Mais il y avait d'autres motifs d'espoir :


1) la popularité du personnage auprès du grand public est toujours restée intacte


2) l'évolution des SFX numériques laissait espérer une représentation crédible des acrobaties du Tisseur


3) le projet était confié à Sam Raimi !


Et c'est bien ce dernier point qui a fait toute la différence. Le réalisateur de la cultissime trilogie Evil Dead allait en effet imposer son style à ce blockbuster, entre caméra virevoltante, cadrages efficaces et narration visuelle impeccable.


De fait le film est un régal, magnifiant un script solide de David Koepp, qui navigue parfaitement entre respect des personnages originaux et impératifs du cinéma à grand spectacle. La qualité de la réalisation est particulièrement palpable dans la variété et la qualité des transitions entre chaque scène (fondus, jump cuts, etc..), le tout sans ennuyer l'aficionado connaissant les origines du personnage sur le bout des doigts ni perdre le novice. Le dosage entre soap-opera, humour et scènes d'action est parfait, et les scènes de voltige sont purement euphorisantes.


Le seul gros bémol provient du design du super-vilain, le Bouffon Vert, complètement raté. Autant dans les scènes lointaines, grâce à l'ampleur de la mise en scène de Raimi, l'illusion est parfaite, autant lorsque le vilain apparaît de près, il est dur de ne pas sentir le ridicule de la situation : une doublure peu alerte qui s'escrime dans un costume cornichonesque, et Willem Dafoe qui grimace à travers la visière lors des plans rapprochés... Le sentiment d'être devant une adaptation friquée de Power Rangers est malheureusement palpable. Et à titre personnel, je trouve que la silhouette du Bouffon Vert ressemble étrangement à celle de l'Homme Impossible, adversaire complètement absurde des Quatre Fantastiques :


Le Bouffon Vert du film


L'homme impossible


Heureusement cela reste un défaut gênant, mais tout à fait mineur dans le film, qui d'ailleurs se présente comme une vraie adaptation de comic-book : pas de costume "réaliste", pas d'intrigue policière ou politique, et pas non plus de danger cosmique intersidéral ou je ne sais quoi : dans l'esprit, le film de Raimi reste très proche des premières années du personnage de BD. Même s'il prend de grosses libertés avec les grandes étapes de la vie de Peter Parker (pas de Gwen Stacy !), ou de son alter-ego (les toiles organiques !) le film respire en effet la même insouciance, la même fraîcheur et le même sens du tragique à échelle humaine que les pages illustrées par Steve Ditko ou John Romita Sr.


Le casting est d'ailleurs assez stupéfiant puisque tous les acteurs ressemblent à leurs modèles dessinés, tant dans leurs physiques respectifs que dans leurs attitudes, costumes, coiffures, etc... sans pour autant que cela paraisse artificiel. Le cas de Kirsten Dunst fait généralement débat, mais je ne vois rien de choquant dans son casting, ni dans l'écriture de son personnage.


Bref si la suite poussera certaines qualités de cet opus à l'extrême (quitte à faire ressortir des défauts inédits ici), le premier Spider-Man devrait être encore aujourd'hui considéré comme un chef d’œuvre du genre, et un modèle de narration, ponctué de morceaux de bravoure filmiques.

Créée

le 5 févr. 2016

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Seet

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