La conclusion (prématurée) de la saga

"Spider-Man 3" de Sam Raimi était très attendu à l'époque. La promotion en promettait beaucoup : un chapitre dramatique et épique où le super-héros se heurtera à ses propres démons intérieurs. Un opus de la saga particulièrement attendu par les fans et fin connaisseurs de la BD pour une raison : l'éventualité de voir Venom, la Némésis du personnage, adoré par les lecteurs. Néanmoins, si le long-métrage a connu un succès phénoménal en terme d'entrées, il a connu également une retombée des critiques au fil des années. Il est toujours difficile d'aborder un film de cette envergure, car il a suscité un débat lié à la notion d'adaptation toujours aussi féroce entre les puristes de la BD et ceux des films.
L'histoire se situe bien après les événements du second film, puisque Peter Parker (Tobey Maguire), ravi de partager sa vie super-héroïque avec l'amour de son enfance Mary-Jane (Kirsten Dunst), reste toujours en conflit avec son ami vengeur Harry (James Franco), bien entraîné et endossant le rôle du nouveau Bouffon Vert. Cependant, sa joie perpétuelle l'éloigne de la réalité, en oubliant les états d'âme de sa petite amie et de son meilleur ami. La découverte du véritable assassin de son oncle, un criminel devenu par accident un monstre de sable (Thomas Haden Church), noircira un peu plus sa personne déjà égoïste, si ce n'était sans compter l'arrivée d'une entité extraterrestre avide de mauvais sentiments.
Sam Raimi se lance dans une nouvelle aventure plus sérieuse de l'homme-araignée, basée sur les concepts de la vengeance et du pardon. Ce sont des thèmes profonds, fondateurs de la tragédie grecque, et en parfait accord avec les personnages, le personnage de Harry étant le plus évident. Ami et ennemi de notre héros, celui-ci est nourri de haine et de jalousie à cause d'un acte qu'il a attribué à la mauvaise personne. Il a une place ambigüe et intéressante dans le récit du film, car il fait resurgir la part la plus sombre du héros et lui fait rappeler ses souvenirs les plus heureux en tant qu'ami de son enfance. La psyché de Spider-Man est encore une fois mise en avant à travers le souvenir brutal de l’événement qui lui a fait le plus souffrir et qui paradoxalement lui a fait comprendre des valeurs illuminant son esprit : la mort de son oncle "père" Ben. Son fameux crédo ("Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités") est le cœur de la saga de Raimi, leçon qui permet à Spider-Man d'apprendre de ses erreurs. Dans cet opus, le héros est face à ses faiblesses et ne se reconnait plus. Cette part sombre est incarnée par le symbiote, mise en scène de façon magistrale comme une créature perverse sans forme qui rampe tel un serpent et agit comme un vampire face à sa proie. On ressent toujours la passion de Raimi à traiter les tourments de son personnage en images, à travers des ruptures de ton naviguant entre le drame, la romance et installe une tension palpable à travers le thème du côté sombre du héros.
Si on retrouve avec plaisir un amour du super-héros dans ses moments de tourments et de bravoure superbement orchestrés, il réside malheureusement un sentiment de trop-plein dans ce nouvel opus. Le film, malgré sa générosité évidente, se révèle indigeste dans son résultat final. Multipliant les personnages et les situations à foison, il fait perdre en finesse ce que les précédents opus possédaient auparavant. Ainsi, beaucoup de personnages sont mal développés (l'Homme-Sable, ayant un caractère très touchant, est décevant dans son traitement, n'étant présent dans l'intrigue comme seul intérêt d'être vaguement fautif de la mort de l'oncle Ben) et certaines situations, aux mécaniques connues, apparaissent lourdes et mal amenées (le traitement patriotique du super-héros avec l'apparition d'un drapeau américain géant n'est pas vraiment folichon). Si, par exemple, le personnage de Gwen Stacy n'est pas du tout convaincante, ce n'est en rien à cause d'une trahison du support papier du personnage mais simplement d'un rôle de piètre intérêt dans le film lui-même, ne servant seulement qu'à créer un conflit amoureux encombrant la trame principale. Et si le personnage de Venom incarné par Topher Grace (un peu inexpressif) est très mal dirigé, il n'est cependant pas honteux car il est suffisamment imposant dans les scènes le mettant en vedette. Il manque surtout de personnalité dans ses intentions et connaît le même destin que les vilains précédents, ce qui amoindrit son impact à la fin du film.
Si l'ensemble de son long-métrage est très bancal, Sam Raimi met en scène un divertissement de haute volée, magnifié par des scènes d'une beauté exemplaire (rien que la naissance de Venom, l'être le plus immonde et le plus vil, à l'église : une pure merveille de mise en image !) ainsi que d'une musique envoûtante, et très ambitieux avec la résolution des conflits intérieurs du personnage principal.
"Spider-Man 3" est un grand spectacle, certes boursouflé de tous les côtés, mais propose avant tout une fin sublime, qui conclut de belle manière une histoire où tous les personnages, gentils et méchants, sont des êtres perdus et ravagés en quête d’un bonheur absolu.

Max_Sand
6
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le 7 sept. 2014

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5 j'aime

Max Sand

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