Un peu comme pour Batman, il est assez passionnant de voir les différentes déclinaisons du personnage de Spiderman en un temps assez court, et ce de la part de nombreux réalisateurs d’horizons éloignés : si c’est Burton, Nolan, Snyder et Schumacher qui avaient apporté leur pierre à l’édifice du côté de chez DC, dans des films de styles diamétralement opposés, ce sont Sam Raimi, Marc Webb et désormais Jon Watts qui auront proposé leurs propres variations autour de l’Homme-Araignée ; tout en sachant quand même que ces deux derniers n’ont, en apparence, pas des pattes aussi prononcées que celles d’un Burton ou d’un Nolan. Après deux volets de The Amazing Spider-Man pas inintéressants, mais ayant rapidement rencontré les limites de leur formule (raconter la même histoire que la première trilogie avec moins de talent), on pouvait tout de même regarder arriver ce Homecoming avec une curiosité presque maladive : est-ce que Marvel, l’écurie du formatage par excellence, allait réussir là où Marc Webb et son équipe avaient échoué, en faisant oublier l’espace de deux heures les films cultes de Raimi à l’aura écrasante ?


Difficile en effet d’éviter la comparaison. Une comparaison qui avait tué dans l’œuf le dytique Amazing (loin d’être aussi catastrophique que sa réputation le laisse penser, soit dit en passant) et qui aurait pu achever Homecoming si le tandem Sony / Marvel n’avait pas eu la bonne idée de nous épargner une origin story que l’on connait déjà par cœur. L’autre idée salvatrice de Homecoming, c’est de revoir ses ambitions à la baisse : un peu comme dans le médiocre Ant-Man, ici pas de grand-extraterrestre ou de demi-dieux en colère. Spider-Man : Homecoming, comme son héros, est un film qui sait garder les pieds sur terre – un aveu de modestie qui devient par ailleurs une vraie morale de fond, avec ses méchants pas vraiment méchants, ses morts pas vraiment morts, et son super-héros pas si super que ça. Homecoming est un film rafraîchissant tout simplement parce qu’il sait s’inscrire dans un cadre proche de ses spectateurs – Peter Parker n’est pas un milliardaire, ni un dieu nordique, ni un super-soldat ; il a, au contraire, un quotidien, des valeurs et des problématiques similaires à ceux de ses spectateurs. Il est amoureux de la jolie fille, il ne sait pas trop quoi faire de sa vie, il grandit trop vite et il y a toujours un connard qui est là pour se foutre de sa gueule.
C’est quelque chose que les Captain America et autres Thor n’ont pas : un ancrage, des préoccupations à échelle humaine. Homecoming redonne ses lettres de noblesse au « super-héros de quartier », faisant grand bruit de ces petits larcins, posant même un regard sacrément ironique sur l’énorme mastodonte cinématographique qu’est le MCU par le simple fait que les super-vilains du film de Jon Watts n’intéressent pas les Avengers. Une dérision sacrément bienvenue (le running gag autour de Captain America est peut-être le meilleur de toute la saga) faisant de ce seizième (!!) chapitre du MCU probablement l’un des plus cools et détendus, assumant pleinement cette absence d’enjeux majeurs, et utilisant, avec une aisance assez admirable, cet humour maison caractéristique très méta et cartoonesque (qui, récemment encore, apparaissait comme très forcé dans l’étouffant Les Gardiens de la Galaxie 2).
Jon Watts s’avère un choix pertinent – si Homecoming demeure un film de producteurs, il y a un certain art du mouvement et de la conscience de l’espace qui rappelle les films de Raimi. Tout est limpide et bien plus agréable à regarder que les plans-séquences artificiels des gros films Avengers. Tom Holland est lui aussi une bonne surprise, assez révélateur d’un casting d'ensemble globalement irréprochable. Jeune sans être gamin, cool sans être agaçant, il porte une grande partie de la réussite de cet Homecoming sur ses épaules – il est d’ailleurs peut-être le meilleur acteur à endosser le costume à ce jour, bien plus charismatique qu’un Maguire et bien plus crédible qu’un Garfield.


Homecoming est une réussite indéniable, d’autant plus surprenante que le film de Jon Watts s’avère relativement irrévérencieux envers le reste de la machine Marvel (on se doute que tout cela est bon enfant, mais cela fait plaisir de savoir qu’il reste un peu d’ironie à Kevin Feige). Un blockbuster estival humble et divertissant, aux pointes d’humour réussies et aux thématiques méta assez passionnantes. Jon Watts et Tom Holland ont tous deux parfaitement compris Spiderman : plutôt que d’en faire un clown de plus dans le cirque des Avengers, ils en font un super-héros des prolos qui vient, au fond, remettre profondément en question les valeurs mêmes de ses collègues sauveurs de monde (il était temps). Tout n’est pas irréprochable, mais on tient là le meilleur film du MCU : attachant, fun, actuel, malin et surtout franchement drôle. Avec en prime une scène post-générique qui valait enfin la peine d’attendre dix minutes à regarder défiler les vingt mille noms de l’équipe effets spéciaux.

Vivienn
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le 13 juil. 2017

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